Yacine, jeune berger à l'éducation pourtant exemplaire, est brusquement arraché à sa famille pour être mené auprès de Gaïd Brahim. Ce caïd règne en maître sur un vaste territoire où tout lui appartient de la terre aux hommes en passant par le bétail. Pour chaque homme, chaque femme, chaque enfant de la région il y a Dieu, et juste en dessous il y a Gaïd Brahim. Se faire emmener de la sorte n'est jamais une bonne nouvelle. Le caïd, omniscient, a des yeux et des oreilles partout. Pourtant, Yacine est un bon garçon, docile, respectueux, sans une once de rébellion en lui, il n'a jamais questionné les fils invisibles qui régissent son existence. Il a le cœur intact et la naïveté de ceux à qui l'on n'a jamais menti pour arriver à ses fins.
Il ne le sait pas encore, mais il s'apprête à vivre un bouleversement qui va l'éloigner de tout ce qu'il a toujours connu. Le monde devient plus vaste, riche de dangers mais aussi de possibilités.
Difficile de s'y retrouver pour celui qui n'a jamais eu le luxe d'élaborer ses propres rêves. Alors, il se fait le greffon des projets des autres. Son échine endosse le poids de fruits amers qui n'ont jamais été vraiment les siens et en voit de plus doux tomber de l'arbre où y mûrir.
Yasmina Khadra m'a paru avoir un brin épuré sa plume sans se départir de sa finesse. On le voit, dans ce roman, dessiner les contours de la membrane poreuse distinguant l'humilité de la soumission. Dans ce mince interstice on se questionne. À quel endroit la poursuite de la vertu devient-elle une offense faite au miracle de posséder une vie propre? Comment distinguer son propre chemin lorsque l'horizon semble flou et le terrain d'une obscurité boueuse ? Face à l'éphémère de l'existence, qu'importe peut-être. Chacun fait de son mieux.