La publication, la redécouverte, les diverses rééditions des "Lettres portugaises", ou "Lettres de la religieuse portugaise" de Guilleragues, ou peut-être d’un auteur anonyme, forment un contexte qui me semble avoir beaucoup fait pour son succès. (Ajoutons-y leur présence au programme de bien des cours d’université.) C’est un peu le "Projet Blair Witch" du Grand Siècle, d’autant plus réputé qu’il donna du grain à moudre à des générations de critiques et assouvit leur passion.
Les mésaventures amoureuses qui constituent le fond de cette correspondance parlent — ou devraient parler — à n’importe quel adulte, même jeune, normalement constitué. À moi aussi. Les éditions dans lesquelles je l’ai lue l’attribuent tantôt à Guilleragues, tantôt à un auteur anonyme. Or, si on en lit les cinquante pages telles qu’elles apparaissent invariablement, c’est plat. Oui, elle est amoureuse ; oui, il se fout de sa gueule ; oui, je peux compatir, ou la railler, peu importe. Mais le texte ? Un couloir de style sensible et monophonique.
On la trouverait facilement cruche, cette Marianne : elle se fie aux hommes. Pire : à un militaire. Alors est-elle réellement plus naïve que les autres, ou sa naïveté est-elle le fruit de l’éducation et de l’enfermement qu’on a longtemps réservés à celles de sa classe ? S’obliger à en passer par une lecture politique pour trouver goût à un bouquin du XVIIe, c’est triste.