Chapoutot le goupil
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le 31 janv. 2020
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Libres d'obéir, contrairement à ce qu'indique le sous-titre, n'est pas une étude du management du nazisme à aujourd'hui mais plutôt une étude sur le management nazi et particulièrement l'influence de Reinhard Höhn, un (ancien) nazi, sur la discipline, puisqu'après Hitler, il enseignera le management aux jeunes et dynamiques cadres allemands.
C'est le premier livre que je lis de Chapoutot, et la note que je lui accorde tient surtout au travail de synthèse brillamment mené par l'auteur. En moins de 150 pages, la messe est dite. Chapoutot fournit ce qu'il faut de contexte, et surtout de contexte mental, pour appréhender ce management à la Höhn (notamment les chapitres consacrés à l'État -en l'occurrence la disparition de celui-ci- et à la mythologie nazie de la liberté germanique que j'ai bien apprécié).
Pour résumer le propos, l'idée principale de ce management selon Höhn, c'est de donner un objectif quelconque à un sous-fifre mais de le laisser se demerder quant à la manière de l'accomplir. Inspiré par l'armée prussienne, cette méthode permet de déléguer à l'étage du dessous une partie des responsabilités chose somme toute relativement utile puisque si l'objectif n'est pas atteint, la faute en incombera à la manière, donc au couillon en bas de l'échelle.
Chapoutot montre que Höhn ne pouvait pas être taxé de girouette puisque sa conception du management n'a guère changé entre ses années nazillons et son enseignement après-guerre. On retrouve donc ce côté participatif avec un collaborateur et non pas un subalterne (exit ainsi la lutte des classes), on a envie qu'il soit productif et pour se faire, on lui propose d'être heureux de travailler dans un superbe open-space avec spa, vue sur la mer, masseuses thaïlandaises, et j'en passe. L'idée n'est pas de dire que le management est un truc de nazi, l'auteur est clair là-dessus, et réussir à lire le contraire révèle de la mauvaise foi mêlée à une imbécillité profonde. Simplement de dire que la méthode de Bad Harzburg (autrement dit, la méthode Höhn) a ceci de moderne qu'elle ne fut pas en contradiction avec notre environnement contemporain, ainsi en atteste l'exemple d'Aldi cité dans le livre.
Pourquoi donc ? Le livre relève que Höhn n'a pas été trop déstabilisé de passer d'une société SS à une société $$ (vanne approuvée par Alexis Corbière), puisque les ressorts profonds en sont les mêmes : la vie est un combat, qu'il soit biologique ou social. C'est précisément ce que relevait Michéa à propos du fondement du libéralisme et on a là une clef pour comprendre les systèmes totalitaires : qu'il soit sans-dents et concurrent, bourgeois, mécréant ou non-arien, bref, une logique où l'autre est par essence un ennemi et généralement le bouc émissaire par excellence de tous les malheurs. Höhn n'a pas eu grand-chose à faire pour passer de l'un à l'autre, il lui a seulement fallut abandonné son discours antisémite, chose qu'il fit aisément, le reste découlant de cette seule logique. Pour qui souhaitait construire des ponts et non des murs, en voici un joli.
Créée
le 10 sept. 2020
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