Locus solus
7.6
Locus solus

livre de Raymond Roussel (1914)

C'est absurde d'avoir à parler de ce livre, il est déroutant d'un bout à l'autre et les esprits les moins géométriques (dont je fais partie) peineront à imaginer les abracadabrantes structures que le savant Canterel est parvenu à regrouper dans son parc, oui oui, c'était tellement précis et farfelu que la représentation mentale qu'oblige la lecture est un brin contrariée, voir impossible (pour ma part), à certains moments ^^'

Nous sommes donc, au début du livre, conviés avec une foule de visiteurs à suivre Martial Canterel dans son parc surréaliste, dont il activera devant nos yeux (un peu perdu) les sept merveilles. Je n'en parlerai pas spécifiquement, quiconque veut les appréhender devra gentiment parcourir le roman de Roussel, tâche ardue, je préviens !

C'est d'abord un livre sur rien, je veux dire que les personnages principaux sont simplement là pour voir, entendre, sentir des installations sans but, si ce n'est émerveiller et troubler. Ce que je trouve rassurant c'est que le roman semble se concentrer sur l'extérieur des choses, de façon maniaque et un peu rebutante, certes, mais avec une assurance et une candeur agréable. On peut être déçu par l'absence de développement psychologique, de progression dramatique, je trouve pour ma part que cela constitue l'une des originalités du livre. Au fil du récit, tout de même, de nombreuses sous-histoires emboitées nous sont contés qui constituent un labyrinthe vertigineux, un recueil de contes, fantastiques, d'humour-noir, merveilleux...

Canterel ressemble à une sorte d'auteur, ou de monsieur loyal qui, continuellement, lance des restes de récits, à l'image d'un gramophone qu'on peut activer pour entendre des mélodies diverses. Son parc est une immense machinerie, loufoque et pourtant très logique, ce qui constitue un paradoxe. Entre la science la plus avertis et une absurdité délirante : vient une impression d'avancer un peu à l'aveugle, car le récit à souvent l'air de se prendre au sérieux, il est pourtant très drôle ; gore et poétique ; œuvre visionnaire où la vision est contrainte par un langage technique très précis...
Tout devient paradoxal à la longue, et c'est probablement de là que vient son charme.

Pour ma part, certains des lieux visités resteront à jamais associées à de vastes images où la science et la poésie mises côte à côte constituent une sorte de chimère déréglée, onirique, jouissive : un imaginaire sans frein et contrôlé, récit construit sur la base d'un jeu aux horizons élargis.

Ps : je rappelle que le livre n'est pas facile d'accès, mais il en vaut la chandelle !
Germain_Tramier
8
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le 22 févr. 2015

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Germain_Tramier

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