Et si le chien de berger de Gabriel n'avait pas été mal dressé ??? Et si Fanny Robin ne s'était pas trompée d'église ??? Et si Bathsheba n'avait pas envoyé ce fichu valentin ??? Beaucoup de "et si" qui prouvent que Thomas Hardy était un grand de chez grands, imbattable pour montrer que le destin se joue à très peu de choses et que l'acte d'une seule personne peut avoir d'énormes conséquences sur la vie de plusieurs autres qui pourtant a-priori n'ont aucun ou très peu de liens avec elle...
L'histoire : Gabriel Oak, jeune paysan du Wessex, est devenu propriétaire d’une bergerie. Il s’éprend de Bathsheba Everdene, venue s’installer au pays avec sa tante. Mais la belle repousse ses avances avec hauteur. Ayant perdu toutes ses bêtes par la faute d’un chien mal dressé, Gabriel, ruiné, est réduit à trouver du travail dans une ferme qu’il vient de sauver d’un incendie et dont la propriétaire n’est autre que… Bathsheba, qu’un héritage a rendue riche. Entretemps, la jeune femme subit les assauts d’un prospère exploitant, William Boldwood, mais aussi de son rival, le fringant sergent Francis Troy, qu’elle finit par épouser, sans savoir qu’une domestique, Fanny, est enceinte de ses œuvres…
Le portrait d'une femme forte et indépendante, qui détonne dans la très conservatrice ère victorienne, en avance sur son temps, attachante dans ses forces mais aussi dans ses faiblesses. Un amoureux malheureux mais calme, sûr et patient que le lecteur aime instantanément. Un vieux célibataire, d'apparence placide mais à l'intérieur duquel bouillonne une passion proche de la folie, qui provoque la pitié. Un séducteur cynique qu'on ne parviendra pas à détester à cause de l'amour sincère qu'il porte à un autre personnage, une domestique de ferme qu'il a rendue enceinte. Rajoutez une galerie de personnages secondaires haute en couleur, parfois décrite avec une pointe d'humour...
Faîtes évoluer tout ce beau monde dans une description réaliste pour ne pas dire documentaire de la vie rurale anglaise de l'époque qui donne l'impression qu'on y est soi-même, et que l'auteur savait sacrément de quoi il parlait, faîtes leur vivre un implacable enchaînement de rebondissements, le tout saupoudré d'un style aussi riche que fluide, et pour finir ne pas hésiter contrairement à son habitude ("Tess d'Urberville" et surtout "Jude l'Obscur" donnent franchement envie de se trancher les veines !!!) d'achever l'ensemble par une très grosse et rafraîchissante touche d'optimisme et un message de fond d'une justesse imparable, l'amour est plus fort que la mort quand il dépasse les premiers sentiments et qu'il réussit à affronter les dures réalités du quotidien ; et vous aurez ainsi la recette d'une très grande oeuvre littéraire, d'une magnifique histoire d'amour captivante et émouvante par un géant de la littérature, qui me fait encore mieux comprendre pourquoi il est un de mes écrivains favoris de tous les temps.