Bonne nouvelle, les pages des « Pocket » ne se font plus la malle à la première lecture. Cela dit, restent la spécialité de la maison : les coquilles, et une couverture racoleuse à souhait — pourquoi se priver ? Il y donc eu des gens, dans un service marketing, pour penser qu’un lecteur potentiel d’un livre de quatre cents pages écrit par un linguiste va se dire : « Tiens, une couverture avec Hitler, ça doit être un bon bouquin. J’hésitais encore, mais je vais l’acheter ! »… Bref.
À partir des notes accumulées clandestinement de 1933 à 1945, Victor Klemperer, linguiste juif vivant en Allemagne — et, à ce titre, triplement concerné — élabore une analyse critique du langage nazi. Premier bon point : la Langue du IIIe Reich ne dégage pas le parfum d’ennui qui entoure plus d’un ouvrage universitaire. D’ailleurs ce n’est pas un ouvrage universitaire, bien qu’il en ait la rigueur : aux réflexions proprement linguistiques, totalement dépourvues du jargon qui les aurait rendues inaccessibles au profane, se mêlent des récits d’épisodes qui furent pour Klemperer la vie quotidienne, toujours en lien avec la question du langage.
Second atout : les remarques sont variées mais cohérentes. Suffisamment précises pour intéresser en tant que telles, formulées avec suffisamment de hauteur pour engager le lecteur à élargir lui-même la réflexion. Quitte à être discutables, mais en tout cas « stimulantes », comme on dit dans les recensions d’articles universitaires.
Une bonne traduction, qui aidera le semi-germanophone.