Quelle fébrilité lorsque l’on doit écrire quelques mots sur un livre que l’on a tant aimé ! Madelaine avant l’aube est mon premier coup de coeur de l’année. Sandrine Collette navigue avec une facilité déconcertante entre les différents genres littéraires: point de dystopie ni de thriller cette fois-ci mais un roman noir rural qui se situe à une époque moyenâgeuse, sombre et puissant, éclairé par une héroïne lumineuse et inoubliable.


Le village de La Foye est entouré de hameaux constitués de quelques fermes aux toits de chaume. Parmi eux, Les Montées qui coure le long du fleuve Basilic. On y cultive au gré des saisons ce que la terre à offrir mais parfois lorsque l’hiver s’éternise, les temps de disette laissent aux habitants peu de chance de survivre. Ceux-ci soumis et taiseux souffrent et subissent en silence la cruauté du seigneur local, Ambroisie le Fils, un Gilles de Rais imprévisible et sans pitié, dont le passe-temps est de chasser les proies féminines. La loi du plus fort jusque dans les foyers : s’il faut privilégier la lâcheté du silence pour sauver sa peau, le choix est fait pour les hommes du hameau au détriment des femmes, éternelles victimes oppressées. Les paysages tout comme les destins semblent donc figés…


Et puis, Madelaine… Une enfant que l’on recueille, qui devient vite, tel un feu de joie, le centre d’attention des habitants du hameau. Les liens qui se tissent sont aussi forts que ceux du sang car Madelaine fascine, épate, bouleverse le quotidien. La sauvagesse, ignorante des lois de ce pays, ne connait pas la peur, brave les interdits et insuffle un vent de liberté. Madelaine, dans ce monde étouffé, c’est le courage, l’audace. Madelaine dans le portrait que l’on tisse d’elle, c’est La Liberté Guidant Le Peuple. Elle en a l’étoffe, elle est de cette trempe-là, et pour l’amour qu’elle porte aux siens, cette guerrière est capable d’accomplir ce qu’aucun n’a jamais osé.


Quel texte ! Une écriture éblouissante par laquelle l’autrice dépeint à merveille la vie d’autrefois, le labeur de la terre, ses incertitudes et ses injustices. L’énigme autour de Bran qui est le narrateur dans une première partie est une subtilité narrative qui prend au dépourvu et permet d’une façon totalement inattendue de nous livrer les secrets du hameau. Ainsi dans la confidence, nous observons les uns et les autres se soulever sous l’impulsion de Madelaine, une héroïne impulsive et téméraire. Quel bonheur de voir les jeunes générations plébisciter un tel roman ! J’aime lire Les Prix Goncourt des lycéens, je ne suis jamais déçue de leur choix et celui-ci en particulier démontre à quel point ils accordent de la valeur au contenu et à la beauté du texte. Plus encore que les précédents romans de l’auteure, Madelaine avant l’aube est un texte puissant, féministe, inoubliable.

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