« Comme une envie de temps fort... » Telle était mon commentaire à la chronique de Nelly-H (10/10), il y a une semaine… Je ne savais pas si bien dire ! Elle n’y va pas avec "le dos de la cuillère", Sandrine Collette ! C’est du fort, c’est du lourd !
Sandrine Collette est née à Paris en 1970, après un master en philosophie elle obtient un doctorat en sciences politiques (1999). Elle devient chargée de cours à l'université de Nanterre, travaille à mi-temps dans un bureau de conseil en ressources humaines et restaure des maisons en Champagne puis dans le Morvan. Puis se consacre alors à l'écriture et s'installe à La Comelle, village du Morvan d'où elle est originaire et dont elle devient conseillère municipale.
Elle est l’auteure d’une dizaine de romans dont "Des nœuds d'acier" - Grand prix de littérature policière 2013, "Animal" - Grand prix RTL-Lire 2020, "On était des loups" - Prix Renaudot des lycéens 2022.
"Madelaine avant l’aube" est son dixième roman.
Je ne serais pas surpris que Sandrine Collette situe son action (car ACTION, il y a) dans la campagne Morvandelle, quant à l’époque, elle est incontestablement médiévale. Et à cette époque mieux vaut vivre au château qu’à la ferme ! D’ailleurs elle nous avertit dès le début. On ne va pas rigoler !
« Ici, les histoires ne finissent pas bien. Les rois ne sont jamais venus enlever une de nos bergères, ou alors pour la violer, pas pour en faire une reine. »
Côté campagne, au hameau qu’on appelle "Les Montées", vivent Eugène, débardeur forestier avec son cheval Jéricho (important, le cheval !), sa femme Aelis et leurs trois garçons ; Léon, sabotier et ivrogne, sa femme Ambre – sœur jumelle d’Aelis –, sans enfant ; et Rose, l’ancienne, un peu herboriste, un peu guérisseuse, accompagnée de Bran.
Côté château, il y a Ambroisie-le-Père, le Maître, que tout le monde craint, mais qui est juste. Il est juste dur et réclame son dû. « Le Père n’a pas la démence du fils », car il a un fils. Ambroisie-le-Fils, il a l’âge d’Eugène et un cheval, lui aussi, et quand le galop de son cheval se fait entendre, « Tous, si nous pouvons, nous reculons dans une ombre et nous nous cachons. » Car le Fils est fou. « Le Fils aime la chasse, tous les maîtres aiment la chasse. […] Si un lièvre ou un chevreuil l’entraîne au milieu de nos cultures, il les suit. À entendre ses cris forcenés, hurlements pour houspiller les chiens mêlés d’une joie incontrôlable et dérangeante, nous nous demandons si le plaisir n’est pas plus intense quand la traque se double de la destruction de nos sols. Le Fils nous crache dessus. Il est intouchable. Il est le maître. » Il aime aussi les femmes et les filles…
Côté campagne, c’est une vie de durs labeurs, une survie quotidienne gagnée sur la mort. Alors quand les grands froids arrivent, quand les mauvaises récoltes se succèdent, la famine s’installe et les plus faibles disparaissent.
C’est dans ces jours terribles qu’apparait Madelaine, une enfant affamée et farouche qui vient voler les œufs des poules de Rose pour survivre. Rose va l’apprivoiser et Ambre va l’adopter ainsi que tous les membres du hameau.
Mais Madelaine, courageuse, sauvage et indomptée ne peut se soumettre aux lois du château et le malheur s’abattra sur toute la région.
Je l’ai dit : un livre fort, un texte puissant, impressionnant, terrible. C’est du lourd (je me répète). L’auteure ne craint pas de faire couler le sang, de faire jaillir les poignards, de planter les épées, de tailler à la hache !... On coupe des bras, on ouvre des ventres, on taille des veines… On meurt de froid, on meurt de faim, etc… Et en plus on compatit !
Bon, il arrive quand-même, un moment, où, à force de pleurer dans les chaumières, on se lasse.