Terminant son service dans un petit cabaret de Montmartre, passablement éméchée, une jeune strip-teaseuse entre dans le commissariat du coin, et évoque le crime à venir d'une mystérieuse comtesse, par un non moins mystérieux Oscar. Plus tard dans la matinée, lorsqu'elle est entendue par la brigade criminelle, la jeune femme a dessoûlé et décide de se rétracter. Pour son plus grand malheur, puisqu'on la retrouve étranglée chez elle quelques heures plus tard...
Dans "Maigret au Picratt's", Simenon se plonge dans un univers qu'il a bien connu, celui de la vie nocturne parisienne, des petits établissements un peu miteux et de cette grande "famille" des oiseaux de nuit, marginaux de tous bords qui développent une certaine solidarité, à l'image de ces repas pris en commun au Picratt's.
Un excellent volume en tout cas, où l'on rencontre toute une faune plus ou moins crasseuse, qui incarne aussi la vision sombre de l'humanité dépeinte par l'écrivain belge, à l'image de la comtesse ou de Philippe, le "pédéraste intoxiqué", pour lequel Maigret n'a aucune empathie.
L'enquête en elle-même est intéressante mais passe un peu au second plan, dans la mesure où la découverte de l'identité du meurtrier ne présente guère de suspense, dans une atmosphère d'hiver grise et neigeuse superbement rendue, au cœur du Paris de l'après-guerre.
A noter que ce roman a été l'objet d'une adaptation cinéma en Italie, avec Gino Cervi dans le rôle de Maigret.