Quand j'ai appris que Robinson avait consacré vingt ans de sa vie à se renseigner sur une possible terraformation de Mars, l'écrivaine en herbe que je tente d'être a vacillé. Vingt ans.
Les conséquences sur son œuvre sont indéniables : l'auteur sait ce qu'il dit, et son écrit est d'une redoutable précision. Il faut en effet s'accrocher sur des kilomètres de pages pour ne pas perdre pied et rester concentré sur le fil du récit. C'est ce qui a rebuté nombre des lecteurs auteurs de critiques négatives. Pas moi. J'ai dû lutter pour certains passages, mais chaque fois, j'ai été récompensée, et notamment par les personnages composant la masse des Cent premiers. Si on peut faire le reproche de ne pas en savoir encore assez à leur sujet, un détail rattrape l'ensemble : la relation entre eux. J'ai été fascinée par les liens opposant Frank Chalmers et John Boone, qui finalement demeureront unis jusqu'à la fin de par leur destin injuste. J'ai été agacée et admirative face à Maya et Nadya, j'ai été touchée par l'aigreur changée en détresse pure d'Ann Clayborne. J'ai été effrayée par les décisions étranges d'Hiroko, et séduite par la fougue d'Arkady. Tous ne forment qu'une seule et même entité, comme autant de facettes de l'âme humaine, confrontée à cette inconnue totale : Mars. Mars la rouge, Mars la terrible, la désertique, la poussiéreuse.
Il ne s'agissait que de la première étape de cette aventure sans cesse menacée par les corporations et autres transnationales, les mêmes qui, de nos jours, mettent notre humanité en péril. Sur la Terre comme ailleurs, le capitalisme galopant et dictatorial de ces firmes semble désormais intimement lié à nos futurs. Mais les révolutions persistent, au prix de sacrifices immenses mais, qui sait, peut-être salvateurs un jour.
Si les aspects descriptifs vous rebutent, passez-les. Mais ne passez pas à côté de John, Frank, Maya et les autres. La dimension émotionnelle est là, pour peu que vous vous acharniez à en gratter le vernis scientifique.