Si je devais choisir entre la version de Corneille et celle d'Anouilh, je prendrais celle d'Anouilh. Alors elle ne m'a peut-être pas autant marquée que sa version d'Antigone, mais tout de même, c'est quelque chose ! En fait c'est incroyablement beau, parce que toutes les situations, tous les dialogues sont vrais, cette femme trahie qui d'abord semble vouloir se convaincre qu'elle est puissante (on pourra y joindre une citation de Nietzsche qui disait qu'on était indépendant lorsqu'on n'avait trouvé personne d'autre à contrôler). Puis elle semble redoubler de colère parce que tout le monde se montre "bon", ou semble le faire. Et je comprends totalement que la clémence à un tel moment il n'y a rien de plus humiliant. En étant clément, on passe pour le bon, le gentil, le juste et on ne peut même pas être détesté pour des raisons valables.
Médée raconte tout ça, c'est vraiment, très émouvant. Et puis il y a des phrases magnifiques, par exemple lorsque Créon lui dit qu'il n'est pas venu pour ses conseils et qu'elle lui répond "Tu n'es pas venu les chercher, mais te les donne ! C'est mon droit. Et le tien est de me faire taire, si tu en as le force. C'est tout". Et tout est là !
Ou bien lorsque Jason fait demi-tour après qu'elle ait mis un terme à la conversation, des adieux très froids et qu'elle dit : "Jason ! Ne pars pas ainsi. Retourne-toi ! Crie quelque chose. hésite, aie mal ! Jason, je t'en supplie, il suffit d'une minute de désarroi ou de doute dans tes yeux pour nous sauver tous !... [...] Retourne-toi et je serai peut-être délivrée..." C'est absolument sublime, encore une fois, tout est là. Anouilh a parfaitement compris les relations entre les hommes et les femmes... On comprend tout, ce que Médée a donné, sa détresse... Tout...
Beau à en pleurer.