Le prix de l'immortalité
Êtres vivants lecteurs, si vous vous trouvez en quête d'une histoire sombre avec une pointe de burlesque, venez vous perdre entre les lignes du Melmoth réconcilié. Il s'agit d'une réécriture...
Par
le 28 oct. 2024
1835. Eh bien moi je suis d'accord avec Balzac : les puritains manquent un peu d'imagination ; tout engoncés dans leur préchi-précha, ils ne voient pas que leur intrigue, certes enjolivée d'un style brillant (en tout cas pour ce qui concerne Maturin), est complètement irréaliste, peu crédible : "Maturin a fait preuve de bon sens en n'amenant pas son héros à Paris ; mais il est extraordinaire que ce demi-démon ne sache pas aller là où il eût trouvé mille personnes pour une qui eussent accepté son pouvoir. Il est encore plus singulier qu'il n'ait pas montré Melmoth essayant d'obtenir par des bienfaits ce que l'on refuse à la tyrannie. Aussi l'oeuvre de l'auteur irlandais est-elle défectueuse en plusieurs points, quoique surprenante par les détails." (Note de Balzac citée dans la préface de l'édition Folio d'Anne-Marie Meininger, p. 15-6) La brièveté du récit balzacien n'empêche pas que les possibilités ouvertes par cette transposition, cette "déterritorialisation" (comme dirait l'autre), ce passage de terres puritaines en terres... - chrétiennes ? athées ? je tenterais : cartésiennes ! - apparaissent très riches ! Il y a mille choses à comparer, entre puritains et chrétiens/cartésiens. Je laisse mûrir, j'y reviendrai sûrement. Comme ça, ce qui me vient, le plus évident : le ton ! "Deadly serious" chez Maturin, tout à fait bouffon, ou en tout cas léger, emporté, virevoltant, chez Balzac ; et d'abord dans le choix même de la victime : un cinquantenaire bedonnant essoufflé, trompeur trompé, médiocre, lâche... On est loin des victimes magnifiques, jeunes, pures, sincères, etc., de Maturin ! Puis on pourrait aussi peut-être tenter d'expliquer pourquoi l'on n'a pas vraiment de "cinéma d'horreur", de "cinéma de genre", en France ; ou alors si singulier, qui rejoint en esprit l'esprit de dérision du Balzac dont on parle ici (je pense au "Martyrs" de Pascal Laugier) ; est-ce seulement compatible avec nos terres cultivées, cartésiennes ? C'est beaucoup plus dans les villes, finalement, que le plus étrange se passe ("Une nuit" de Maupassant, les films de Rivette, etc.). Alors, certes, la Symphonie fantastique... Bon, à creuser... Bon par contre, le puritanisme, et ses mythologies, ça, définitivement, ça ne prend pas en France ; on peut reconnaître la beauté du style, il n'empêche, ça sent beaucoup trop le préchi-précha... Les meilleurs moments du roman de Maturin sont lorsque son personnage, Melmoth, donc, apparaît ; à chaque fois on sort du prêche, le personnage, son discours, son aura, appartient véritablement à une autre dimension ; mais sinon, entretemps, l'on se prend plus ou moins régulièrement à souhaiter que la démonstration moraliste s'accélère un peu... on a compris...
Achevé le 31 mai 2024.
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Créée
le 31 mai 2024
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