Après trois décennies à faire pleurer de rire ou pleurer tout court, l'acteur survolté et surprenant a depuis peu annoncé sa retraite. Si on excepte Sonic 2 - tourné en 2021 mais Carrey avait déjà signé un contrat pour d'éventuelles suites au premier avant - la publication de ses "mémoires" vont bien dans le sens d'un point final pour sa carrière. Ou points de suspension, qui sait ? Oui mais Jim & Andy est déjà passé par là. Et dans cette extraordinaire plongée dans les coulisses de Man on the Moon, Jim Carrey se livrait comme jamais. Son enfance dans la galère, son père malchanceux, son parcours partagé entre déceptions et sommets, sans oublier le mal-être, le deuil, la peine, ...On a regardé et on a écouté l'artiste s'ouvrir, disserter, craquer pour voir l'homme renaître sous nos yeux. C'était beau à en pleurer (encore). Mais si tout a été dit sur le sujet, que pourraient bien ajouter ces "Mémoires" ? Des anecdotes de tournage, les dessous crapoteux de la vie d'un millionnaire, le taillage en pièces de certain.e.s collègues ? Mouais...Ouf, Carrey n'entend pas terminer sur un ouvrage conformiste et compassé. Une bonne et une mauvaise nouvelle.
Le premier chapitre est un assez bon condensé de ce qu'est l'ouvrage. Quelque chose de fou, d'assez hermétique (n'attendez pas d'intrigue, il n'y en a pas), frénétique, tarabiscoté parfois même lassant. Ajoutez à cela que Jim Carrey est plus spectateur qu'acteur ici. Surtout vers la fin, où le semblant de récit converge sur un climax et une "résolution'' loufoque (soit) mais à mon goût trop étiré. Tout cela pour terminer sur... la remise des compteurs à zéro. Chose déjà entreprise quelques chapitres plus tôt chez le producteur Lanny Lonstein (cousin bâtard d'un Elon Musk & Steve Jobs). Persiste la sensation d'une longue divagation alors que le déboulonnage d'un Hollywood en vrille, notamment le temps d'une soirée hallucinante, ouvrait une direction plus rigolote. Plus encore avec l'intrusion de la motion-capture dans la vie de Carrey (une ouverture vertigineuse sur le passé et la peur du comédien). Inattendu, ça pour sûr. Mais il y a aussi des surprises et des idées. L'univers est décapant, bien chargé en name-dropping avec quelques guests fabuleux. Charlie Kaufman dont l'idée de film (improbable) ne détonnerait pas tant que ça avec ce que le génial scénariste nous a déjà lancé à la figure par le passé. Puis surtout Nicolas Cage, encore plus barré que celui de la légende. Chaque apparition du comédien de Sailor et Lula injecte un tel monceau d'images et d'absurdités qu'on fantasmerait l'adaptation de ses Mémoires sur grand écran. Le mot est-il le bon ? En soi, des passages entiers se concentrent sur des périodes, évènements ou personnages ayant compté dans la vie de Carrey. La toile de fond est délirante (accrochez-vous), mais le fond est tout de même bien raccord avec les angoisses et obsessions que le comédien confiait dans Jim & Andy ou sur le tapis rouge de la Fashion Week du Harper’s Bazaar Icons en 2017. En définitive, le vrai et le faux se mêle avec un minimum de soin. Mais ça aurait peut-être pu être moins bordélique, et un peu plus concentré sur...Jim Carrey.