Dans un contexte social plus que troublé quant au thème du travail, il est de saines lectures qui permettent de reprendre un peu sa respiration - surtout si on a fait l'erreur de lire un article de l'Express ou de tomber sur n'importe quel JT télévisé.
En 1988, déjà, André Gorz expliquait que le bond technologique qu'expérimentait le travail nécessitait de le repenser. Dans un cadre où la force de travail, et particulièrement celle qui est inexpérimentée, allait être de moins en moins nécessaire, pourquoi continuer à travailler autant ? Voire plus ? Dans un monde où chaque tâche se retrouve de plus en plus spécialisée et menée par une machine dont l'homme n'assure que la surveillance, est-il vraiment souhaitable d'un passer 1600 heures par an ? Et qu'est-ce que le travail, d'abord ? N'être en charge que d'une part d'un processus de production qu'on ne maîtrise pas, qu'on ne comprend pas ?
Pour l'auteur, aux questions concernant le bond technologique (je vous laisse lire le livre par vous-même pour les autres, il faut bien laisser un peu de suspens) : il faut réduire le temps de travail, sous peine de se retrouver dans un monde où 50% de la population se retrouve soit privée d'emploi, soit confinée dans des emplois précaires, soumise aux fluctuations du marché. Mais sous peine également de se retrouver dans une société coupée en deux, où explosent la haine et la peur : ceux qui ont un emploi craignent ceux qui n'en ont pas et voudraient prendre le leur, ceux qui n'en ont pas haïssent les privilégiés qui peuvent en vivre sans le partager...
Cela vous dit quelque chose ?
Dès 1988, il y a donc 28 ans, cet homme avait prédit avec justesse ce qui est en train de se produire aujourd'hui, et sa lecture en devient parfois glaçante.
Il est urgent de repenser le travail, aujourd'hui, mais aussi et surtout de repenser nos vies, nos aspirations. Il est urgent de ne plus en laisser d'autres réfléchir et décider pour nous. Il est urgent de ne plus accepter l'exploitation d'un côté, qui mène à l'exclusion sociale de l'autre.
Ce livre permet de poser des cadres à la pensée sur le travail, ses origines, et la manière de l'intégrer à une société plus harmonieuse. Et c'est une bouffée d'air frais dans ce contexte de pensée nauséabonde.