Hommage à l’écriture, protestation contre le sexisme et immersion dans la société islandaise

Hekla a vingt ans, du talent, et ne rêve que d’écrire. Née en 1945 dans une Islande patriarcale et conservatrice, la jeune femme aura besoin de tout le tempérament suggéré par son prénom, choisi d’après un volcan de son pays, pour s’extraire de la gangue dans laquelle sa vie menace de s’enliser. L’impulsion nécessaire viendra de son ami d’enfance, un homosexuel qui ne trouve pas non plus sa place dans la société de l‘époque.


A travers Hekla et son ami Jon John, l’auteur pose la question du droit à être soi-même, de l’ouverture à la différence, et de la liberté de faire ses propres choix. Racisme – dans les années soixante, l’Islande s’est opposée à la présence de noirs sur la base américaine installée sur place –, sexisme, homophobie, sont trois thèmes que le livre évoque avec pudeur, loin du cynisme parfois cru des Fureurs invisibles du coeur de John Boyne, auquel on pense d’autant plus facilement qu’Islande et Irlande opèrent déjà un phonétique et insulaire rapprochement entre les deux romans. En Irlande, l’histoire de John Boyne est marquée par la forte imprégnation catholique du pays, en Islande, celle d’Olafsdottir fait une large place à l’âpreté du climat, aux rudes splendeurs de la nature, et à des références culturelles dépaysantes pour les non-autochtones.


Les aspirations littéraires d’Hekla et de son amie Ivey sont aussi émouvantes les unes que les autres : tandis que la seconde s’escrime tant bien que mal à voler des moments d’écriture à une existence par ailleurs conforme à celle dévolue aux femmes d’alors, rythmée par d’incessantes maternités, la première ose le non-conformisme et la rupture totale avec son monde, sacrifiant tout pour que son œuvre puisse être publiée, fut-ce en ayant recours à des pseudos masculins ou à des prête-noms.


Hommage à l’écriture, protestation contre les préjugés sexistes et immersion dans la société islandaise, ce roman exprime en douceur, et avec beaucoup de tendresse pour ses personnages, un engagement féministe résultant, on s’en doute, des propres et injustes difficultés de l’auteur à trouver sa place dans le monde littéraire masculin islandais.


https://leslecturesdecannetille.blogspot.com

Cannetille
8
Écrit par

Créée

le 10 mai 2020

Critique lue 442 fois

7 j'aime

Cannetille

Écrit par

Critique lue 442 fois

7

D'autres avis sur Miss Islande

Miss Islande
LaurenceIsabelle
8

« Avec toi on manque de ténèbres, Hekla. Tu es la lumière. »

Quand Hekla est née, son père lui a donné un nom de volcan, sa grande passion dans la vie. Quelques années plus tard, nous sommes en 1963, elle quitte sa ferme natale pour la capitale, Reykjavik, où...

le 5 sept. 2019

5 j'aime

Miss Islande
TetedeTurque
4

Vous avez dit féminisme...?

Je me réjouissais mais... ma première tentative de lecture islandaise n'est pas une réussite: vendu comme un roman féministe et insolent (cf. 4e de couverture), je referme celui-ci un peu perplexe et...

le 2 févr. 2021

3 j'aime

Miss Islande
Cinephile-doux
7

Un prénom de volcan

Hekla, l'héroïne de Miss Islande a un prénom de volcan. Et un tempérament bien trempé dans ces années 60 en Islande où l'émancipation féminine n'est encore qu'un fantasme (contrairement à ce que l'on...

le 26 sept. 2019

3 j'aime

Du même critique

Veiller sur elle
Cannetille
9

Magnifique ode à la liberté sur fond d'Italie fasciste

En 1986, un vieil homme agonise dans une abbaye italienne. Il n’a jamais prononcé ses vœux, pourtant c’est là qu’il a vécu les quarante dernières années de sa vie, cloîtré pour rester auprès d’elle :...

le 14 sept. 2023

19 j'aime

6

Le Mage du Kremlin
Cannetille
10

Une lecture fascinante

Lui-même ancien conseiller de Matteo Renzi, l’auteur d’essais politiques Giuliano da Empoli ressent une telle fascination pour Vladimir Sourkov, « le Raspoutine de Poutine », pendant vingt ans...

le 7 sept. 2022

18 j'aime

4

Tout le bleu du ciel
Cannetille
6

Un concentré d'émotions addictif

Emile n’est pas encore trentenaire, mais, atteint d’un Alzheimer précoce, il n’a plus que deux ans à vivre. Préférant fuir l’hôpital et l’étouffante sollicitude des siens, il décide de partir à...

le 20 mai 2020

17 j'aime

7