Quand j'étais au collège, il y avait dans la salle d'étude une affiche intitulé "les droits du lecteur". Je m'en souviens bien parce c'est une affiche qui m'a particulièrement décoincé dans mon approche de la lecture, en affirmant entre autres qu'un lecteur avait parfaitement le droit de lire n'importe quoi, n'importe ou, mais aussi de ne pas lire, de ne pas finir un livre et surtout, de sauter des pages.
Moby Dick est un sacré pavé. Et un pavé à l'ancienne, ou le récit proprement dit -celui de la chasse par un capitaine taré d'une baleine légendaire- est submergé d'explications encyclopédiques visant à donner au lecteur une connaissance solide du monde de la pêche à la baleine. C'était dans l'air du temps (on retrouve la même chose dans la plupart des Jules Verne, par exemple) et c'est pas forcément un problème, parce que ça permet effectivement de donner un excellent cadre à l'histoire et de rendre le récit plus solide, tout en permettant à l'écrivain d'employer un jargon qui serait complètement incompréhensible sans ces chapitres explicatifs.
Mais bon, le problème c'est que ça peut aussi être bien lourd, et c'est là que le droit de sauter des pages se fait bien utile. Personnellement, je n'ai pas eu des problèmes avec les chapitres détaillant la vie du bateau, ou les différentes étapes de la chasse à la baleine. Non, j'ai même trouvé ça plutôt cool. Par contre, tout ce qui concerne les descriptions détaillés de chaque type de baleine, de ce qui constitue ou non un cétacé, ou les retours historiques sur les différentes représentations de la baleine au travers des âges (je ne plaisante pas)... non, c'est pas possible.
J'ai donc joyeusement survolé ces parties (d'autant plus que les parties zoologiques sur les cétacés sont complètement à côté de la plaque par rapport aux connaissances actuelles), pour profiter d'une histoire extrêmement puissante et bourré de thèmes variés (attention amis athéistes aigris, omniprésence de thèmes religieux). C'est beaucoup, beaucoup plus qu'un simple roman d'aventure, ce qui peut le rendre indigeste à beaucoup de monde, mais en fait aussi une histoire extrêmement riche: entre la pêche à la baleine proprement dite, le monde maritime en général, la hiérarchie et le rapport à l'autorité (surtout quand cette autorité est de toute évidence folle), le courage, l'utilité du courage dans des situations futiles (est-ce encore du courage ?), le rôle de Dieu, la place du monothéisme, l'existence du bien et du mal... Personnellement, je vais laisser cette histoire un peu de temps pour décanter, parce je suis pas sûr d'en avoir pris la pleine mesure.
En tout cas, la pêche à la baleine, c'est pas un truc de lopettes.