Quelle difficulté d'aborder Moins que zéro!
Au long de ces 235 pages, tout y est mais rien ne s'élève. C'est un exploit très improbable qui se dégage de ce livre, tant il amorce déjà American Psycho, -qui est sans doute mon livre préféré à l'heure actuelle- en étant tout de même radicalement différent.
Durant moins d'une semaine, j'ai choisi de suivre le retour de Clay à Los Angeles, sa ville natale dans laquelle il avait laissé son quotidien d'adolescent. Ce retour dans une ville fantasmagorique est d'une noirceur effrayante, telle qu'il est moins angoissant de mourir que de suivre la vie de cette jeunesse des années 80, différente de la nouvelle génération seulement par l'absence des smartphones et de la techno.
Gare à ceux qui tenteront l'expérience, il n'est pas question d'une histoire traditionnelle avec des enjeux marqués et un style littéraire profond. Ici, c'est le quotidien d'une jeunesse née dans le luxe, passant son temps libre (comme s'ils étaient contraints à un moment donné...) à lire GQ en prenant de la coke avant de faire l'amour à une fille de. Ce style de vie si envié par les plus jeunes est enlaidi avec une force redoutable: la plupart du texte est au présent, ce sont des phrases courtes, sans chapitrage, sans figure de style, avant que ne parvienne une ultime page au passé, comme si hier était différent d'aujourd'hui dans ce monde profane.
Et si cela peut dérouter au premier abord, le style est en réalité brillant tant il colle à la psychologie des personnages. Leur vie est nulle, ils essaient de la rendre bien en ayant tout à portée de main (le succès, des parents bourgeois, de l'argent, de la coke, la meilleure ville du monde...) sans jamais se convaincre soi-même.
Bret Easton Ellis est un auteur que j'admire par sa capacité à critiquer de l'intérieur des groupes sociologiques qui paraissent brillants, créant ainsi le plus grand rejet de la société capitaliste qu'il m'ait été donné d'observer. Les mots sont grands et englobent un tout mais bon... c'est quand même bien plus efficace de critiquer les "gens qui ont une vie de rêve" par le simple moyen d'une description linéaire et chiante comme leur vie.
Si toute notre société lisait ce livre, que se passerait-il? Prendrait-on conscience du danger de désirer un monde entièrement artificiel, de vouloir s'y faire une place (prendre de la drogue comme les copains, vouloir être riche pour acheter une Ferrari, regarder MTV et se moquer d'un prêtre qui embrigade à travers la télé, comme si cette idéologie valait mieux que celle du bourgeois...)? Aucun personnage est attachant, tout semble pourri, ce qui marque un contraste avec cette jolie couverture montrant une piscine sous un soleil californien.
Bref, tout cela pour dire que le vide de la société dans laquelle on vit, le fait de rater tout ce que la vie a à nous offrir à travers une artificialité totale et immobilisante est peut-être plus effrayant que le fait de mourir, parce que lorsqu'on meurt, on voyage vers l'inconnu.