Trop de jeux vidéos, de sms, d'après-midis vautrés devant la télé au lieu de plancher sur les classiques, serait l'explication de la pénible uniformisation du style "web 2.0" ? Des ces interminables blogs où se déclinent des journées sans intérêts et des sentiments sans reliefs, tous identiques ?
Oh non, pour moi, c'est beaucoup plus simple que ça : c'est la faute au succès incompréhensible réservé à Moins que Zéro, voilà tout. En faisant de ce monument de néant le plus grand événement des années 80, les thuriféraires de Bret Easton Ellis ont bousillé deux générations d'adolescents apprentis écrivains. Merci les gars !

Evidemment, BEE lui se contente de parler de ce qu'il connaît : les journées remplies d'ennui jusqu'à la gueule des pauvres enfants de l'élite riche d'Hollywood. On boit, on sniffe, on zone, on dort, on baise, on sniffe, on zone, on boit, on dort. Et on recommence. Et comme BEE se veut un écrivain, et pas seulement un envoyé spécial chez les cadors déglingués de Californie, il saupoudre cette litanie de l'inutile d'un peu de bons sentiments, sauce "une étrange angoisse me serre le coeur, mais je ne saurais mettre un nom dessus". Bof.
Peut-être a-t-il manqué à BEE un bon éditeur, comme celui qui permit à Carver de ciseler des nouvelles pures et coupantes comme le diamant, des morceaux de quotidien apparemment banals mais qui distillent insidieusement un malaise poisseux et bouleversant. Peut-être manque-t-il simplement d'humour, cette politesse du désespoir qui transforme les aventures des héros de David Foster Wallace en purs moments de folie, derrière lesquels se tapit l'éternelle frayeur d'"être". Peut-être ne croit-il pas assez à la puissance de la littérature, pour chercher, à l'image d'un Philip Roth, dans les méandres du romanesque une explication, une solution, ou au moins un expédient, à l'absurdité du monde.

Je ne sais pas. Toujours est-il qu'en alignant les paragraphes remplis de vide afin de décrire le plus platement possible des vies foutues avant même de commencer, il a provoqué une catastrophe là où il voulait sans doute réveiller les consciences. Car le problème, c'est que les parents responsables de cette nouvelle armée de zombies sont partis si loin, qu'aucun livre ne pourra les ramener à la raison. Ils ne lisent plus, mon pauvre BEE ! Restent ceux qui n'ont pas cette vie là, et qui referment ton roman agacés, ou vaguement compatissants. Et ceux qui s'ennuient autant que ces enfants sacrifiés à l'autel de la consommation, et qui croient qu'il suffira à leur tour d'aligner sujet verbe complément pour avoir autant de succès que leur aîné de L.A.
Il est des constats plus dangereux que les situations qu'ils entendaient condamner.
Chaiev
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le 17 avr. 2011

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Chaiev

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