Un certain M. Pikielny a eu l'heur de plaire à de nombreux lecteurs mais pas trop à votre serviteur, plus agacé que séduit par les tentatives désespérées de l'auteur pour paraître spirituel. Mais comme il faut toujours donner une seconde chance, pourquoi ne pas essayer Mon maître et mon vainqueur, encore mieux reçu que son prédécesseur et auréolé du Grand prix du roman de l'Académie française. Après tout, Désérable ne rime t-il pas avec délectable ou désirable (oui, avec exécrable, aussi, ne m'embrouillez pas !) ? Soyons honnête, on s'amuse beaucoup dans ce court roman qui caresse un triangle amoureux dans tous les sens du poil, réussissant en grande partie à renouveler un genre éculé. L'auteur a mélangé tout un tas d'ingrédients dans le livre y compris certains qui ne vont pas nécessairement bien ensemble : de l'humour (du burlesque, même), de l'érudition, de la poésie, du suspense, de l'érotisme (un peu trop) et du mélodrame, sans oublier d'assaisonner le tout avec quelques apartés destinés au lecteur. Le style est enlevé et pétillant et chemine sur les chemins de la passion amoureuse en la sublimant et en la moquant en même temps. Un bémol malgré tout : le portrait féminin, plus faible que celui des autres personnages, car principalement vu sous l'angle du désir qu'elle inspire à la gent masculine en héritière surannée et parfaitement machiste du célèbre "souvent femme varie", lequel n'a rien à voir avec Verlaine et Rimbaud, les deux écrivains par lesquels la passion et le drame qui s'ensuit arrivent. Ma foi, rien que pour l'amour de la littérature, en général, et de la poésie, en particulier, le dernier roman d'un certain M. Désérable peut être qualifié d'agréable, d'aimable et d'ineffable bien qu'assurément biodégradable.