Mon traître est un roman douloureux. Empli de mélancolie, de violence, de tristesse, de plaies impossibles à refermer, de silences assourdissants et de mots cruels.
Inspiré de la relation de l'auteur avec Denis Donaldson, ce roman évoque le conflit nord-irlandais par la lorgnette d'un luthier français.
Il y est question d'amitié, de liberté, de guerre, de sacrifice, d'espoir, de malheur et de trahison. On y croise Bobby Sands et James Connolly. On y croise surtout Tyrone Meehan (Denis Donaldson). Figure charismatique, allégorie de l'Irlande résistante, père de substitution pour Antoine.
Dès le titre tout est dit. Et le suspense n'existe pas puisque Tyrone est tout de suite appelé "mon traître". Le lecteur est dès lors conscient que ce personnage auquel il s'attache et qui représente, par les yeux d'Antoine, la lutte des catholiques irlandais contre l'oppresseur britannique trahira les siens. Il nous place ainsi dans une situation totalement inconfortable d'attraction-répulsion vis-à-vis de ce personnage. Le terme de "traître" asséné de façon systématique avec le possessif "mon" devant maintient ce malaise: a-t-on le droit en tant que lecteur d'aimer Tyrone Meehan?
Nous rejoignons de fait Antoine qui finira par se poser les mêmes questions: a-t-il toujours le droit d'aimer Tyrone? Tyrone l'aimait-il vraiment? Un traître est-il un traitre même quand on regarde un lac avec lui, sa main réconfortante posée sur notre épaule? Un traître est-il un traitre quand il nous apprend à pisser? Un traitre peut-il être un ami? L'avoir jamais été? Le rester?
Ces questions, la plupart sans réponse, creusent petit à petit un gouffre dans l'âme du lecteur. On finit exsangue, sec, vidé... Et seule Grainne O'Doyle nous autorise dans un ultime sursaut à aimer Tyrone et à continuer à aimer l'Irlande...
Ce livre laisse au cœur une bouleversante cicatrice...