Monsieur Vénus
7.4
Monsieur Vénus

livre de Rachilde (1884)

La décadence "fin de siècle" qui s'abattit sur le XIXe siècle épuisé est un iceberg : la postérité a gardé en souvenir ceux qui auront le mieux su faire leur publicité, mais des dizaines et des dizaines d'auteurs, dans la cave, remplissaient les chaudières d'un charbon aussi poisseux que brûlant. Rachilde, la femme d'Alfred Valette, était de ceux-là : sulfureuse et scandaleuse à l'époque, on ne la lit guère plus aujourd'hui. Ce petit livre serait signé Zola, Huysmans ou Maupassant, nul doute que son destin eût été tout différent.

Ne nous plaignons pas, l'obscurité et le secret vont bien à l'ouvrage. On tourne les pages comme d'un grimoire à moitié mangé par les rats, et c'est à peine si on ose se lécher le doigt pour décoller les feuillets, tant la matière première de ce roman est empoisonnée. Rachilde devait être bien inconsciente ou bien dévastée pour oser décrire à 23 ans les amours maudites d'une femme si virile qu'elle pétrit comme de la boue un homme jusqu'à ce qu'il accepte de devenir sa femme. Avec, insolence suprême, le simple but d'observer les circonvolutions alternatives du désir : la moralité, dieu merci, n'a rien à faire dans la chambre à coucher.

Vénus et Thanatos s'échange leurs habits, tiens je te file ma robe, donne moi ton pourpoint. Et Rachilde de prendre un malin plaisir à sauter à pieds joints dans son plat épicé : pas de demi-mesure, pas de sous-entendu, mais des corps qui se tourmentent et s'exaspèrent jusqu'à l'ignition. Ah, le XIXe siècle, bienpensant et sanglé, a cru le tour joué ? Vertu à tous les étages, la Raison triomphante remettant pour de bon les déviants dans le droit chemin, ou bien les écrasant sous un talon d'airain ? Ils devaient en faire, une tête, les positivistes de tout crin en ouvrant des livres comme ceux-là. On appelle ça, je crois, le retour du refoulé. En pleine tronche.
Chaiev
9
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Créée

le 8 sept. 2012

Modifiée

le 8 sept. 2012

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