La légende arthurienne est connue, mais en prenant comme personnage principal Mordred, Justine Niogret l'éclaire sous un angle différent. Ici, on sera bien loin des Chevaliers de la Table Ronde et de la quête du Graal, de l'épée dans le rocher, de Morgane la fée et de Merlin l'enchanteur... À vrai dire, il ne sera pratiquement pas question de la légende.
On commence le récit avec un Mordred blessé, alité et impotent à cause d'une blessure reçue lors d'une joute, un an plus tôt. Entre deux crises de douleurs, il est incapable de faire autre chose que de dormir et de rêver. Et dans ses rêves, il se souvient de son enfance. On découvre ainsi Mordred au travers de flashbacks désordonnés, et on reconstitue le puzzle de sa vie au fur et à mesure.
La plume de Justine Niogret est juste magnifique. J'ai été séduit dès le prologue, où une troupe de théâtre itinérant interprète une scène du Roman de Renart. L'autrice sait trouver les mots justes pour faire passer les émotions. de la poésie dans les passages beaux ou tristes (bien souvent les deux), des formules plus brutes, du texte cru, lors des scènes violentes. le récit est court, mais riche en émotions.
Il ne faut pas s'attendre à une épopée héroïque. S'il y a bien quelques combats (brillamment décrits) et un peu d'aventure (mais juste un peu), le texte est essentiellement centré sur la psychologie de Mordred et sa relation avec Arthur. Une relation particulièrement touchante, traitée tout en nuances. de la même façon, l'aspect merveilleux de la Bretagne arthurienne est présent, mais au compte goutte. Justine Niogret nous décrit un monde mélancolique, que la magie des anciens temps quitte peu à peu.
Mordred est un très beau texte, tout simplement. Je vous le recommande chaudement.