On ne peut pas lui retirer : monsieur King écrit à un rythme effréné. Au moins un livre l'an. Quand un auteur se livre à une telle course avec lui-même, il est difficile d'attendre de lui que chacune de ses sorties en mer soit une franche réussite. Il en a déjà tant fait...
Le King rend ici hommage aux vieux romans noirs, ne cachant à aucun moment ses références à Chandler (que je connais très bien) ou à Cain (que je ne connais pas). Il s'essaye à une littérature ayant déjà obtenu depuis longtemps ses lettres de noblesse, et il le sait. Jamais il ne nous fait croire qu'il va renouveler le genre, le réveiller, le sublimer ; il se livre au contraire à une sorte d'exercice de style, avec un plaisir certain, tout en adaptant le format au monde contemporain, seule petite nouveauté apportée par notre cher auteur, par toutes ses références aux dernières technologies.
Seulement voilà, on en attend plus d'un auteur aussi talentueux. Il semble bien vite qu'au-delà de la pure régalade de faire de son Hodges un ersatz de Philip Marlowe, King s'est contenté du minimum en terme de narration. Qu'on s'entende : l'histoire, trame, tempo, tout est cohérent et bien construit. C'est qu'il mène sa barque notre vieux loup de mer. Seulement, il ne s'agit là que d'un agréable divertissement, sans plus ; le blockbuster qu'on choisit par dépit lorsqu'on va au cinéma entre amis et que personne ne parvient à s'accorder sur le choix du film, entre le fana de kung-fu, de film indé ou de comédie graveleuse. Et franchement... on a cette désagréable sensation de déjà vu.
S'agissant néanmoins d'un texte, quoique mineur, manœuvré d'une main de maître, je n'aurai pas la mauvaise foi de le noter en-deça de ce qu'il vaut, la moyenne +. J'espère néanmoins que notre capitaine rehaussera son tricorne la prochaine fois qu'il prendra la mer, et qu'il sortira un peu des voies de commerce trop souvent usitées et connues. Car nous voulons goûter le sel de l'aventure, naviguer en pleine tempête ou rouler à 150 km/h sur des départementales étriquées en bordure de falaise, et non pas prendre l'autoroute dans une Mercedes tout confort.