Un jour mon prince viendra... pas
Vous croyez au Prince Charmant, vous croyez que l'âme d'une femme et celle d'un homme (ou celles de deux hommes ou de deux femmes bien évidemment !!!) peuvent fusionner ensemble pour créer à chaque instant de leur existence respective une passion amoureuse contre laquelle la réalité et les problèmes, le train-train du quotidien ne pourront rien, vous croyez donc vraiment que deux personnes peuvent être une seule et l'amour ne peut que durer une éternité... Alors bravo, ce livre n'est absolument pas fait pour vous...
William Somerset Maugham (prononcez "Môm" !!!) était déjà un des auteurs que j'avais le plus plaisir à lire, trouvant sa plume incroyablement fluide, ses histoires et ses personnages admirablement construits ; et "Mrs. Craddock" ne fait que renforcer cette impression...
En plus, j'y ai découvert un Maugham brillant satiriste, d'une férocité telle qu'on ne peut pas être étonné que certains passages du livre aient connu les joies de la censure lors des deux premières publications. Il y a de nombreuses pages qui sont réellement à hurler de rire en particulier celles concernant la tante. C'est comme si l''auteur utilisait un microscope pour observer les différents êtres humains et leurs défauts et qu'il notait ses impressions avec une plume trempée dans de l'acide.
Résultat, la justesse psychologique est ici incontestable. On remerciera l'écrivain de ne pas nous avoir sorti le poncif du mari qui rend malheureuse sa femme parce qu'il boit, parce qu'il la bat, parce qu'il la trompe copieusement, parce que je ne sais quoi... mais au contraire de marier notre héroïne à un brave type, travailleur, solide mais comment dire un peu idiot sur les bords, exagérément terre-à-terre, aux goûts culturels plus que limités, indifférent, et qui serait du genre à croire qu'une épouse a juste le même type de besoins qu'une vache laitière... Et quand notre héroïne est romanesque à souhait, une sorte de Madame Bovary anglaise mais ayant beaucoup plus la tête sur les épaules quand même, ben ça fait du dégât...
Et on s'y attache à cette Mrs. Craddock, même si j'ai eu l'envie de lui décocher quelques baffes en milieu de livre lorsque l'amour malgré l'évidence avait encore tendance à l'aveugler, on la comprend, et ce n'est qu'à grand regret qu'on la quitte une fois la dernière page du livre terminée, de ce livre que j'ai dévoré à une vitesse record.
Si vous voulez de la grande littérature qui se lit vite, facilement et passionnément, je ne peux que vous recommander ce petit bijou.