Retour de lecture sur "Mygale" un polar très original de l'écrivain français Thierry Jonquet publié en 1984. Ce livre a été très librement adapté au cinéma par Pedro Almodovar dans son film " La piel que habito" (La peau que j'habite). C'est une histoire pour laquelle il est très difficile d'établir un résumé et même de donner les thématiques principales sans dévoiler une partie de l'énigme. Le livre raconte l'histoire de Richard Lafargue un riche et célèbre chirurgien plasticien, qui a perdu sa femme dans un accident, et qui partage son temps entre l'hôpital, sa clinique privée et sa luxueuse villa en banlieue parisienne. Il a une vie assez mystérieuse, on ne lui connaît pas de nouvelle épouse, mais depuis la maladie psychique de sa fille, on peut l'apercevoir occasionnellement aux bras d'une femme très belle nommée Eve. On apprend très vite au cours de cette lecture que leur relation est particulière, cette femme vivant enfermée dans sa chambre avec une relation très distante avec Lafarge, une relation qui semble basée sur le mépris et les insultes. Les histoires de deux autres personnages, Alex, séquestré et torturé par un homme qu'il surnomme la mygale, et Vincent un voyou de campagne, viennent ensuite s'insérer de manière alternée dans ce premier récit. L'intrigue est plutôt bien construite, l'histoire prenante, on cherche à comprendre ce qui lie ces différents personnages, pourquoi cette femme est séquestrée ? Qui est ce personnage de la mygale ? Quel est le problème de ce chirurgien et pourquoi cette chanson "The man I love" l'affecte tant ? C'est un roman très court d'à peine 150 pages, qui se lit d'un trait. En plus d'un suspense très efficace, sa structure en roman choral à quatre voix lui donne beaucoup de rythme. La psychologie des personnages est malheureusement un peu sacrifiée et réduite au minimum, mais les explications pour comprendre le contexte sont par contre nombreuses. L'intrigue est parfaitement bien expliquée ce qui rend cette lecture facile. L'écriture est également très simple et directe. Autour de cette histoire qui est déjà très machiavélique, l'auteur a réussi à créer une ambiance vraiment particulière, malsaine et souvent glauque, qui fait de ce roman quelque chose d'assez unique. La principale déception de ce livre est pour moi dans le scénario, qui ne tient pas toutes ses promesses. Alors que l'histoire est plutôt bien construite, très originale, maline, le dénouement est lui basé sur un hasard plus qu'improbable. Cela aurait pu passer et une pirouette scénaristique aurait facilement pu être trouvée pour rendre cela plus crédible, c'est vraiment dommage. Cela a été fait dans le film d'Almodovar, qui du coup, même si cela reste très abracadabrant également comme toujours chez ce réalisateur, gagne en cohérence par rapport au livre. Pour finir, c'est une expérience de lecture très intéressante, qui vous embarque dans un univers très noir, malsain et claustrophobe. Un très bon polar, il faut juste ne pas s'attendre à quelque chose de très vraisemblable.
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"Dans ta tête, tu avais donné un nom au maître. Tu n’osais l’employer en sa présence, bien entendu. Tu l’appelais « Mygale », en souvenir de tes terreurs passées. Mygale, un nom à consonance féminine, un nom d’animal répugnant qui ne cadrait pas à son sexe ni au raffinement extrême qu’il savait montrer dans le choix de tes cadeaux…
Mais Mygale car il était telle l’araignée, lente et secrète, cruelle et féroce, avide et insaisissable dans ses desseins, caché quelque part dans cette demeure où il te séquestrait depuis des mois, une toile de luxe, un piège doré dont il était le geôlier et toi le détenu."