Neverwhere a une histoire éditoriale particulière. Novélisation d'une série télé anglaise dont le scénariste n'est autre que l'auteur, première version, première traduction et puis deuxième version, associée à une nouvelle traduction, cependant toujours avec le même traducteur, Patrick Marcel. Ces cheminements sont expliqués dans l'Introduction de cette nouvelle édition par Neil Gaiman lui même.
J'ai reçu la première version de Neverwhere lors d'un lointain Noël. En 2010, la nouvelle version sortait au Diable Vauvert mais ce n'est qu'en novembre 2012 que j'ai cédé au rachat en grand format, suite à la venue de Neil Gaiman aux Utopiales.
Richard mène sa petite vie métro boulot dodo. Il n'y a pas plus banal que ce gars, qui manque d'ailleurs de personnalité, se laissant mener par le bout du nez par sa copine, sa seule excentricité étant de collectionner les poupées trolls, ce qu'il fait au final sans conviction ni passion. Le jour, ou plutôt le soir, où il rencontre Porte, une jeune femme pour le moins étrange, sa vie bascule.
"C'était un vendredi après-midi. Richard avait constaté que les événements sont pleutres : ils n'arrivaient pas isolément mais chassaient en meute et se jetaient sur lui tout d'un coup."
Neil Gaiman a un don pour animer des choses qui n'existent pas. Et surtout pour rendre intéressante des choses banales, banales comme le métro londonien. Aux Utopiales, il a inventé la chaise-garou, dans Neverwhere, il crée de toute pièce un monde parallèle, le "Monde d'En Bas" où évolue une foule bigarrée, des personnages improbables, où les noms des stations de métro prennent tout leur sens : Blackfriars, Knight's Bridge, Earl's Count ...
Neil Gaiman a aussi un don pour camper des personnages et leur personnalité rapidement. Ainsi, Jessica, la copine de Richard, que l'on verra au final sur peu de pages, est rapidement brossée comme la copine hyper contrôlante ("pas Jess, Jessica"). Il en va de même pour les personnages du Monde d'en Bas, que l'on arrive aisément à se représenter et ils deviennent de ce fait attachants, malgré l'impression qu'ils sortent tout droit d'une benne à ordure.
"Il [Le Marquis de Carabas] est un petit peu douteux, dans la même mesure que les rats sont un petit peu couverts de fourrure."
La palme revient sans doute à M. Croup et M. Vandemar, les méchants de l'histoire (enfin une partie des méchants de l'histoire), qui sont aussi drôles que flippants.
J'en viens au troisième don de Neil Gaiman : l'humour. Le roman est truffés de mini-gags, de situations rocambolesques et de dialogues savoureux. L'univers même du Monde d'En Bas prête souvent à sourire, même s'il est plein de violence et de noirceur.
"Il ouvrit la porte et poussa un énorme soupir de franc soulagement. Ce n'était pas Jessica. C'était ... Qui ? Des mormons ? Des Témoins de Jéhovah ? La police ? En tout cas, ils étaient deux."
Les dons de Mister Gaiman ne s'arrêtent pas là : il a aussi un don indéniable de conteur. L'histoire est au final assez classique : une quête initiatique pour Richard, avec des méchants, des adjuvants, des retournements de situation. La narration de l'auteur est tellement efficace que l'on ne s'en rend pas compte.
Tout dans Neverwhere a quelque chose pour plaire : des personnages haut en couleurs, un univers original, une histoire à suspens. Un bouquin à lire dans le métro (londonien pour les chanceux) en rentrant du boulot.
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