La première fois que Connell vit Marianne, il la trouva franchement laide. Même si Normal People laisse de côté la première rencontre entre les deux futurs amoureux, on peut supposer que Connell n’est pas naturellement attiré par Marianne, plutôt laide et moquée au lycée. Cette fille, riche, dont la mère a embauché la mère de Connell pour faire le ménage, se trouve bizarre. Elle ne comprend pas ses amis, les méprise même un peu. Connell, lui, comme toute bonne histoire d’amour, se présente comme l’opposé de Marianne. A priori sûr de lui, beau gosse, Connell se trouve pourtant attiré par cette fille étrange qu’il croise lorsqu’il vient chercher sa mère : « Elle semble forte d’une telle sagesse, parfois, qu’il a l’impression d’être ignorant ».
Ayant quitté le lycée, Marianne et Connell vont se croiser, s’aimer et se défaire ; et ainsi de suite. Ce sont les histoires d’amour entre jeunes adultes, celles qu’on compte sans problème, qui ne sortent pas de l’ordinaire. On s’aime comme on se quitte. Mais d’un compagnon à un autre, d’une coucherie à une autre expérience sexuelle, Marianne et Connell reviennent toujours à eux deux.
Si un certain candidat à la présidentielle cherchait à être un président normal, Normal People peut prétendre au titre de roman normal. Au final, on se moque un peu de ses deux jeunes gens dont l’histoire d’amour n’a rien d’extraordinaire. L’intérêt du roman, s’il ne réside pas dans l’histoire même, tout à fait banale, pourrait alors résider dans la beauté de la langue. Las, Sally Rooney, malgré un sens juste des dialogues, écrit comme elle parle. Les détails « pour faire vrai » alourdissent constamment la narration : « Marianne se saisit de sa viennoiserie au citron, en croque lentement une grosse bouchée qui se dissout par couches sur sa langue. Elle mâche, avale, puis prend sa tasse de café. Une gorgée. Elle repose la tasse et ouvre le message de Connell. » Comme d’habitude et sans grande surprise, le nombre d’exemplaires vendus n’est pas synonyme de qualité, ni même de littérature.