Où est Charlie ? A Christmasland !
Après avoir achevé la lecture de ce roman, il y a une chose dont je suis sûr : Joe Hill n'a peut-être pas encore le talent d'écriture de Stephen King, mais il a assurément hérité de son imagination débordante.
Petit résumé rapide de l'intrigue, avec quelques légers spoilers. Victoria McQueen peut accéder à n'importe quel lieu grâce à un pont magique issu de son imagination (ce que l'auteur appellera une extrospection). Il lui suffit de prendre son vélo Raleigh ou sa moto Triumph et d'emprunter le "Raccourci" pour aller où elle veut. Malheureusement pour elle, Vic n'est pas la seule à bénéficier de ces extrospections : un vieil homme de 110 ans dénommé Charlie Manx retrouve la jeunesse en se nourrissant des âmes innocentes d'enfants abîmés par la vie. Pour ce faire, il les emmène dans une Rolls Royce Wraith de 1938 vers un monde uniquement réservé aux enfants où ce serait Noël tous les jours. Dans ce lieu enchanteur surnommé Christmasland, on ne se nourrit que de bonbons et de barbe-à-papa, il neige tous les jours, et des chants de Noël se font entendre en permanence. Le jour où Manx va enlever le fils de Vic, une course contre-la-montre va se lancer pour sauver le jeune garçon, et éviter qu'il ne se transforme en petit vampire sadique aux dents de lamproie…
Parmi les points positifs, il y a déjà l'histoire vraiment originale. Joe Hill s'amuse avec son récit, et il ne se fixe aucune limite. Les personnages sont pour la plupart assez attachants, à commencer par les méchants. Charlie Manx, qui m'a physiquement rappelé Gru de "Moi, Moche et Méchant", est ainsi persuadé de faire le bien lorsqu'il emmène des enfants maltraités vers ce lieu magique sorti de son imagination. Il leur offre la jeunesse éternelle et la perspective d'ouvrir des cadeaux de Noël tous les jours pour le restant de leur vie. Le truc vraiment original chez ce centenaire fringant, c'est qu'il est increvable, et qu'il peut revenir à la vie après une autopsie, à condition que sa Rolls Royce immatriculée Nosfera2 soit toujours en bon état de marche… Bing Partridge, en grand enfant qu'il est, rêve quant à lui de rejoindre Christmasland, mais en attendant, il ne se gênera pas pour gazer les ennemis de son maître au sévoflurane et les violer dans sa cave. Un bon thriller a souvent besoin d'un bon méchant, et pour le coup, nous sommes extrêmement bien servis !
Maggie Leigh, la bibliothécaire bègue aux boucles d'oreille provocatrices, est un autre personnage particulièrement atypique : si elle possède également la capacité d'extrospection grâce à ses lettres de Scrabble, elle ne semble pas avoir les épaules pour gérer ce pouvoir au quotidien, et son destin tragique en émouvra plus d'un. Malgré ses tatouages et ses talents de dessinatrice, Vic McQueen est un personnage un peu plus fade : son incapacité à s'attacher à qui que ce soit et ses problèmes psychiatriques m'ont laissé indifférent, et je n'ai pas cru une seule seconde qu'elle puisse être dans le déni par rapport à l'existence du Raccourci, une fois arrivée à l'âge adulte. Malgré sa bonhommie et sa gentillesse naturelle, son ex-mari Lou n'est guère plus intéressant, et il n'est au final qu'un faire-valoir que l'on peut résumer comme étant un mécano geek au grand cœur (malade).
Leur course-poursuite pour sauver Bruce Wayne (!) des mains de Manx va malheureusement s'avérer un peu poussive à la longue, et bien souvent, j'ai refermé le livre après n'avoir lu qu'une petite vingtaine de pages. Pourtant, les chapitres sont en général très courts et l'on passe systématiquement d'un lieu à l'autre, mais pour une raison que je ne m'explique pas, je me suis un peu ennuyé. J'ai également noté une ou deux incohérences, et je me demande encore pourquoi Joe Hill a tant bassiné le lecteur avec les douleurs oculaires de Vic ou les phrases à l'envers de Wayne…
Il s'agit du troisième livre de Joe Hill que je lis, et je constate que l'auteur possède 3 thèmes de prédilection : l'horreur pure, les relations amoureuses, et le passage de l'adolescence à l'âge adulte. Le fils de Stephen King a cette capacité rare de vous glacer le sang en à peine quelques phrases, mais bizarrement, ses romans se perdent souvent en longueurs inutiles, un peu comme s'il était incapable de resserrer son intrigue lors de ses diverses relectures. Nosfera2 reste un roman correct dans son ensemble, mais si je vous dis qu'il m'aura fallu 4 mois pour arriver à la 617ème page, vous en déduirez logiquement qu'il ne m'a pas tenu en haleine plus que ça.