Jamais je n'aurais cru dévorer ce bouquin avec autant de plaisir. Il faut croire que j'aime le cyclisme plus que je ne l'imaginais ; du moins, le cyclisme des années 80, celui de mon enfance devant le Tour de France, l'été avant de partir à la plage (du coup je voyais rarement la fin des étapes!).
Pourtant, cette autobiographie de Laurent Fignon présente au moins deux défauts flagrants.
Sur la forme d'abord : Fignon a voulu rédiger ce livre lui-même, sans l'aide d'aucun "nègre", et ça se ressent parfois cruellement au niveau du style. L'auteur use de certaines tournures alambiquées, d'un vocabulaire parfois ampoulé au service d'un ton volontiers grandiloquent. Ces élans lyriques tombent à plat.
Sur le fond ensuite : on a parfois du mal à comprendre le positionnement de Laurent Fignon sur certains sujets polémiques. Exemple : les critériums "arrangés" dont le vainqueur est plus ou moins connu à l'avance, parmi les meilleurs coureurs de la saison écoulée. Dans un premier temps, Fignon semble s'insurger contre ses pratiques... parce qu'il en est exclu! Dès lors qu'il perçoit sa part du gâteau, on comprend que ce n'était pas le principe-même d'un arrangement qui le rebutait...
De même, au sujet du dopage, si Fignon s'indigne à juste titre contre les pratiques de dopage généralisé, on observe tout de même qu'il admet s'être dopé lui aussi à l'occasion, au prétexte que tout le monde le faisait, et qu'à l'époque ce dopage encore artisanal avait un impact négligeable sur les performances. Je entends l'argument et ne juge pas l'ancien coureur, mais dans ces conditions comment se poser en homme de principes?
En dépit de ces critiques, le livre reste formidable : il faut croire que le récit se suffit à lui-même, à l'image de cet incroyable Tour 1989, qui ouvre le bouquin, et voit Fignon perdre son maillot jaune pour 8 malheureuses secondes, à l'issue de la dernière étape sur les Champs-Elysées.
L'ancien coureur se montre un conteur efficace de ses propres exploits (et de ses désillusions), dévoilant l'envers du décor avec une franchise appréciable, distribuant les bons et mauvais points, n'hésitant pas à envoyer quelques piques sévères (envers Greg LeMond, Luc Leblanc, Patrick Chêne...).
Une belle authenticité se dégage de "Nous étions jeunes et insouciants", depuis l'enfance du petit Laurent dans une famille d'origine modeste, son amitié virile avec son coéquipier Pascal Jules (les sorties, les filles...), jusqu'à son divorce avec Cyrille Guimard et son après-carrière de consultant.
A noter enfin que si Laurent Fignon n'évoque pas sa maladie dans le livre, son décès surviendra à peine un an après la publication de son autobiographie...