Déploiement lascif en basse orbite
Oh, il m'aura fallu longtemps pour enfin sauter le pas concernant Echenoz. Et plutôt que de se jeter sur son inédit (biographie par la tangente de Tesla) "Des éclairs", pourquoi ne pas profiter de la récente réédition en Minuit Double de son plus ancien titre, "Nous trois"?
Maintenant, une semaine après avoir laissé reposer ma lecture, je reste partagé quand à savoir si je viens de dévorer un chef d'oeuvre ou, plus simplement, une tentative sympathique dans ce que la littérature francophone peut nous proposer de mieux aujourd'hui. La différence? Si nous tenons un bloc de prose massif, pur, homogène. Ou la production artisanale imparfaite mais brillante d'un auteur "dont on attendra impatiemment le prochain livre" (comprenez ici qu'il s'agit d'une formule générale qui s'applique un peu maladroitement à un titre publié en 1992). Je n'arrive pas à savoir et à fixer précisément la note, entre ce 6 bienveillant quoiqu'un peu sévère, et ce 8 enthousiaste (mais peut-être un peu complaisant).
... La faute à ce petit passage à vide ou cette articulation maladroite entre "les évènements de Marseille" et ce vol habité. La faute, aussi, pourquoi pas, à cette histoire que l'on situe dans un présent fantasmé à l'heure d'une Europe de (presque) Maastricht où l'on parlait encore à l'ESA du projet Hermes. La faute, à cette utilisation évasive du "je" (oui, il s'agit certainement d'un parti pris pas forcément hyper heureux) qui au final fonctionne mais se fait attendre un peu trop longtemps. La faute à ce tiers central du récit qui semble avoir du mal à relier cette rencontre improbable entre le personnage de Louis Meyer avec l'inconnue de l'autoroute, et le jeu humain triangulaire sous gravité zéro.
Deux points flous que je vous laisse ajuster à votre convenance, tant il est indéniable que la prose de l'auteur fait des merveilles: que l'on évoque ses scènes construites avec juste ce qu'il faut d'excès ou d'économie (selon les cas), ou qu'on se penche sur le cas de ces personnages fort bien dessinés (quoiqu'un peu trop uniformément bourgeois).
Une bien belle porte d'entrée dans l'univers d'un auteur dont le nom revient régulièrement sur la scène littéraire. À raison.