Attention, probables spoilers
Après avoir examiné le mythe des Atrides que tous les poètes grecs ont abordé, me voilà arrivé au mythe des Labdacides, les rois de la ville de Thèbes.
Dans l'ordre chronologique, je vais d'abord considérer "Œdipe Roi" puis "Œdipe à Colone" puis "Antigone" de Sophocle et finirai par "Les Sept contre Thèbes" d'Eschyle qui est à la fois antérieur aux tragédies de Sophocle et une bonne synthèse.
"Œdipe Roi" est une pièce majeure dans ce que je vais appeler pompeusement "mon" panthéon grec. Cette tragédie pose pas mal de questions sur la responsabilité face à la fatalité mais aussi sur la Justice lorsqu'elle est exercée unilatéralement.
Mais d'abord, la tragédie évoque l'impuissance de l'homme face à un être supérieur, ici, le dieu Apollon dont le sanctuaire de Delphes est relativement proche de la ville de Thèbes. On a une image toujours positive de ce dieu car il représente le soleil, les Arts, la Poésie, la beauté (masculine), la guérison, … Et pourtant, c'est aussi un dieu vengeur et rancunier … C'est à la suite d'un crime commis par Laïos qu'Apollon va poursuivre de son implacable haine Laïos et l'ensemble de sa descendance par l'intermédiaire de la Pythie. Ce crime n'est pas évoqué par Sophocle. Seul Eschyle en parle dans "les sept contre Thèbes".
C'est tout le génie de Sophocle d'avoir occulté cette base du mythe rendant incompréhensible cet acharnement de la destinée sur Œdipe. Parce que les oracles, qui, eux, ne varient jamais, sont scrupuleusement entendus par ses parents puis par lui-même. Enfin, en tentant de les déjouer pour que la situation redoutée ne se produise pas. Mais comment comprendre ces oracles correctement quand on n'a pas la bonne clé, quand on n'a pas accès à la Connaissance ?
Et pourtant, Œdipe est un homme supérieurement intelligent puisqu'il parviendra seul à libérer Thèbes du pouvoir maléfique de la Sphinge … pour accéder au pouvoir à Thèbes
Spoiler : qui, de toute façon, aurait dû lui revenir naturellement si ses parents n'avaient pas suivi l'oracle. D'ailleurs pour déjouer le pouvoir malfaisant d'Apollon, il suffisait, peut-être, de ne jamais suivre l'oracle. Mais peut on désobéir aux dieux qui, en la matière, conservent une longueur d'avance en observant les manigances des êtres humains ?
Une des choses qui m'interpelle le plus dans cette pièce, c'est le mécanisme infernal de responsabilisation d'actes pourtant anodins d'Œdipe : la fuite de Corinthe, la rencontre avec Laïos qui le bouscule obligeant Œdipe à se défendre contre ce qu'il croit être des brigands. De même, Œdipe, en tant que roi responsable, a comme tâche de préserver son peuple et combattre la peste en en trouvant la cause. D'une simple information, il décide de mener l'enquête qui lui apportera, enfin, la connaissance pour résoudre le problème immédiat de peste. La connaissance à laquelle il accède n'est que progressive. "À tiroirs", dirait-on aujourd'hui. Et la connaissance ne sera même pas totale puisqu'elle restera au seul niveau qui lui est intelligible. À ce niveau, il n'y a que la terrible responsabilité de ses actes qu'il assume.
Il maudira le meurtrier sans se douter que ça se retournera contre lui. Et comme, il n'est pas l'homme de la compromission ou de la fuite, il ne fera qu'en aggraver les effets.
Tout deviendrait donc clair.
O lumière, c'est la dernière fois que je te vois,
Je suis né de qui je ne devais pas, je suis uni
À qui je ne dois pas, j'ai tué qui je n'aurais pas dû