Verhaeghen ne fait pas dans la demi-mesure : son Omega Mineur est diablement ambitieux, et ne se propose rien de moins que de brasser 70 ans d'Histoire, de politique, de sciences, de tragédies, autour du trou noir que représente Auschwitz dans le lent mais inexorable naufrage de l'Occident.
Dans une langue riche et foisonnante, il plonge à même la merde et le sang et tisse de main de maître trois histoires ( la traque d'un résistant juif, la fabrication de la bombe atomique, le retour de la peste brune en Allemagne à la fin du XXe siècle) pour essayer de tirer une leçon d'un siècle fou, à défaut de le comprendre ou de l'expliquer. C'est malin, c'est sensible, c'est documenté, et le romancier jongle avec les équations, les références hindoues et les récits horrifiques des rescapés en faisant montre d'un talent impressionnant. Nous sommes tous des imposteurs en puissance, semble-t-il conclure de ce ballet de mort et d'amour, car la barbarie qui a déferlé sur l'Occident en cette fin de millénaire est en germe en chacun de nous.
On ressort de ce voyage chaotique ébranlé, forcément. Mais, en ce qui me concerne, avec quelques regrets, comme si cette éprouvante plongée en enfer aurait gagnée à être un peu moins maitrisée, un peu moins intellectualisée. Un bémol mineur, face à cette symphonie tragique aux accents apocalyptique.