D’abord un rejet. Parce qu’Antoine ne s’aime pas, subit et déclare forfait. Quand il ose, il est déçu ou n’y croit pas assez. Sa vie incarne la faiblesse et le renoncement. Son parcours a quelque chose de déshumanisé. Alors oui, on ne compatit pas totalement à sa souffrance. La première partie du roman est oppressante, misérable puis glaçante. Pourquoi poursuivre ?
C’est là que ce roman m’a touchée. Parce qu’il va au-delà. Parce que justement la vie continue,… parce que l’auteur ose imaginer que l’horreur n’est pas forcément une fin, qu’après le dégoût, la haine et la colère, une certaine rédemption est possible. Qui passe par la douleur, le temps et surtout les rencontres et les mots pour comprendre et accepter les liens comme les ruptures…
Et enfin une aspiration : « vous voulez exister pour ce que vous êtes, pas pour ce que vous avez vécu »
Grégoire Delacourt parvient à exprimer le mode de fonctionnement d’Antoine, mais aussi le désarroi d’enfants et d’adolescents meurtris. Il met aussi en relief les personnages secondaires qui gravitent et contribuent au secours : fratrie, beaux parents, amis, soignants,… C’est une écriture parfois hachée, dure, sur des chapitres courts, un style qui colle à un récit de tranches de vie, de souvenirs précis ou d’instants d’émotions. Le récit est sans cesse rapporté à des chiffres, des prix ou des comptabilités, comme une quantification absurde d’un événement ou d’une émotion. Un roman finalement bouleversant, empreint de bienveillance et de sagesse.