"Regarde chaque jour le monde comme si c'était la première fois..." <message de Dieu à Oscar>

« Cher tous,

Vous ne m’avez jamais vu mais vous avez sûrement déjà entendu parler de moi. Je suis Dieu, celui que prient les chrétiens catholiques. Je travaille en étroite collaboration avec mes collègues qui s’occupent des musulmans, des juifs, des bouddhistes… Sur terre, nous avons un intermédiaire de qualité qui se nomme Eric-Emmanuel Schmitt. Un grand écrivain qui a fait paraître à notre demande Le Cycle de l’Invisible. Il s’agit d’une trilogie dont chaque ouvrage traite d’une religion différente, toujours par le biais de la fiction. Milarepa suit l’histoire de Simon qui fait des rêves lui disant qu’il est la réincarnation de l’oncle de Milarepa, le célèbre ermite tibétain du XIème siècle. Monsieur Ibrahim et les fleurs du Coran raconte l’amitié très forte qui naît entre Moïse, un petit garçon d’origine juive et Monsieur Ibrahim, l’épicier de la rue qui pratique le soufisme. Enfin, Oscar et la dame en rose est le recueil des lettres que m’a écrite Oscar, un petit garçon en fin de vie. Je voudrais vous parler de ce dernier, qui vient de mourir, comme me l’a annoncé une vieille amie à moi, Mamie Rose dans une ultime lettre (p.98,99,100)

Oui, c’est une histoire triste. Ou plutôt cela commence de façon triste. Un petit garçon leucémique n’a plus que douze jours à vivre. Mais grâce à Mamie Rose, une bénévole de l’hôpital en blouse rose, ces douze jours vont être riches, remplis d’amour et de vie (p.37,38)

C’est Mamie Rose qui a donné l’idée à Oscar de m’écrire. Oscar, lui, croyait que Dieu c’était comme le Père-Noël, c’était encore un mensonge d’adulte… Et en plus, il avait horreur d’écrire. Mais il a pris son stylo et du papier, et chaque jour qu’il lui restait à vivre, il m’a écrit une lettre. Il ne savait pas bien qui j’étais, comment je pouvais lui répondre, exaucer son souhait quotidien… Mais il me parlait quand même, tous les jours, me racontant ce qu’il avait fait, me faisant part de ses joies et de ses peines, doutant de moi ou me remerciant d’avoir fait quelque chose pour lui. Avec sa naïveté et sa pureté d’enfant, il se construisait un ami, un confident qu’il s’imaginait à travers des comparaisons poétiques et philosophiques. Les enfants sont peut-être les meilleurs philosophes, parce qu’ils savent s’émerveiller devant chaque chose, devant de petits détails insignifiants. Ils s’étonnent de tout, demandent pourquoi, ont soif d’apprendre. Et ils philosophent naturellement, sans le savoir, sans se retourner l’esprit. (p.95)
Apprendre à accepter la mort, qui est la suite naturelle de la vie, quelle dure tâche, que ce soit pour soi-même ou pour ses proches. Oscar traite ses parents de lâches, constate que tout le monde autour de lui a un sourire crispé, une mine grave. « Je suis un malade qui ne fait pas plaisir, un malade qui empêche de croire que la médecine, c’est formidable. » Mamie Rose a bien les larmes qui lui chatouillent les yeux, elle aussi, mais elle essaie une ultime tactique : elle invente une énorme histoire, elle joue l’actrice fabuleuse afin de rallumer les étoiles dans les yeux d’Oscar, afin qu’il accepte la mort et qu’ainsi, ses proches l’acceptent un peu aussi.

Bien à vous, à bientôt,

Dieu

PS : Le recueil publié par Eric-Emmanuel Schmitt est très court (100 pages) et très dense. Chaque phrase d’Oscar est une citation, une petite phrase à ranger dans un coin de sa tête pour continuer de la méditer. Vous l’aurez lu en une soirée. Mais ça ne vous suffira pas. Alors vous devrez le relire, et encore le relire. Ou bien vous regretterez de ne pas être allé le voir au théâtre (Danielle Darrieux et Annie Duperey en ont fait des one-woman show vibrants d’émotions). Ou encore vous emprunterez le DVD du film dans une médiathèque. Vous sourirez, vous pleurerez (que vous soyez une fille, un garçon ou un martien comme croyait l’être Oscar avec son crâne chauve), peut-être vous croirez en moi, vous réfléchirez, vous vous émerveillerez… Bonne lecture ! »