Les premières pages sont à la hauteur de ce que promettent tant la couverture que la quatrième, à savoir les réflexions et souvenir d'un père concernant ses enfants handicapés, écrites comme on se parle à soi même (donc sans qualités littéraires), sur un ton un peu (faussement) intellectuel (« name dropping » quand tu nous tiens) tout en restant intime, mais surtout nappé d'un humour d'une grande acidité. Le tout parvenant à arracher de temps à autre au lecteur un petit sourire amer.
C'est passé le premier tiers du livre, bien imprégné du style et de la démarche de l'auteur que les choses commencent à se gâter, avec l'envahissement insidieux de l'esprit du lecteur par une pensée inattendue : « le handicap est un sujet tellement difficile (et pour beaucoup douloureux), qu'il faut être sur de sa sincérité pour oser en parler ». Réflexion qui cède pourtant bientôt la place au malaise, puis une fois le livre refermé, à la consternation que l'on pourrait résumer en une question unique : où est passée l'affection ? Et une réponse : à mon sens, nulle part.
Jean-Louis Fournier se moque doucement de ses enfants, intellectuellement limités et un peu moches, du manque d'interactions entre le père et ses fils, des réactions des autres face au drame familial... Mais il le fait avec une terrible froideur, une absence totale de compassion, et tout simplement, d'amour (je parle de ce qui ressort du texte, l'homme a peut-être éprouvé un profond amour pour ses enfants, mais l'histoire ne le dit pas).
Où on va, papa ? s'effondre alors irrémédiablement, basculant dans l'esprit du lecteur du statut d'émouvant témoignage à celui de fiction un peu perverse.