Paradiso est une pieuvre, tomber entre ses bras n'est pas de tout repos. La phrase vous enserre, vous enlève, vous secoue, et plonge dans les profondeurs de l'âme humaine. Si vous avez encore un peu de souffle, vous voilà face aux plus noires créatures de l'océan, qui vous accueillent avec d'effroyables grimaces, jusqu'à ce que mort s'en suive.
Lezama Lima semble s'être fixé pour règle de n'en avoir aucune, il ne croit qu'à un seul dieu : l'épuisement. Epuisement des lieux, des situations, des comportements, des possibilités, et surtout, surtout, épuisement du lecteur. Il fonce dans la jungle, se rit des lianes cinglantes, des marais épais, des morsures, de la soif, et tant pis si derrière on ne peut le suivre qu'à grande peine. Il ouvre la voie, le reste n'est pas de son ressort.
Délires créoles, fureurs grecques, pureté des vierges, ou lente dépravation des sodomites prosélytes, amitiés retorses, splendeurs de la nature, morts subites ou interminables disputes philosophiques, on est comme pris, démunis, sous une pluie de feu. Paradiso est un volcan : il éclaire pour quelques secondes fulgurante le monde, plongé dans une nuit sans bords, et puis brûle tout. On ne caresse pas impunément un tigre !