A vingt mille lieues de Vingt mille lieues sous les mers
Étrange destin que celui du roman "Paris au XXème siècle" ! Se voulant d'anticipation, il devint finalement - parce que refusé à la publication - accessible dans les années 1990, soit 90 ans après la mort de Jules Verne et 30 ans après l'époque qu'il se voulait imaginer (Paris en 1960). Jules is back to the future.
La raison de cette publication plus-que-posthume ? Floue. Quant à la raison de la non-publication de cette œuvre du vivant de Verne, moins floue : l'éditeur - un certain Hetzel - considérait, disons-le franchement, le bouquin comme nul. Il ne s'en cachait d'ailleurs pas : "une chose si pénible, si peu vivante... sa publication serait un désastre pour votre nom".
A la lecture du livre, ayant désormais connaissance de la glorieuse postérité de Verne d'un côté et de ce que devint Paris au XXème siècle de l'autre, on ne peut cependant s'empêcher de penser qu'en effet, ça ne vole pas haut.
Paris, 1960. La France est dirigé par Napoléon V (avec De Gaulle, on était pas si loin en fait) ; l'éducation est centralisée et laissée à des magnats de la finance et du commerce ; la technique a envahi nos vies, au point de mettre au ban de la société tout activité s'apparentant aux lettres, exerçant la raison et l'esprit artistique. Et voici le tableau dépeint par Verne. Tableau où Michel, Quinsonnas et l'oncle Huguenin incarnent les derniers hommes à prêter attention aux lettres et à l'esprit artistique, au sein d'une société individualiste vouant un culte à la technique, aux mathématiques et à la mécanique.
On peut reprocher pas mal de choses à ce livre. Son propos, réellement intéressant et au fond pas si éloigné de ce qu'il advint désormais, est pourtant desservi car poussé à l'extrême. Quant au style littéraire, il ne satisfait pas. Ce qui dérange, ce sont notamment ces dialogues, nombreux, qui ne font absolument pas avancer le récit. On s'enlise dans des amabilités sans fin, des étonnements naïfs de l'un ou l'autre des personnages ("Est-il possible !"). Du reste, les passages descriptifs sont bien loin d'envoler le récit. On salue néanmoins la précision technique de Verne s'agissant de la description du Paris du futur. Le tout est cependant trop immobile pour nous captiver.
"Paris au XXème siècle" est cependant intéressant une fois intégré à l'ensemble de l’œuvre vernienne. On y entrevoit notamment le sincère et profond pessimisme de Verne quant au destin de l'homme et aux progrès de la science.