Mathias Enard est un jeune français (35 ans) dont le dernier roman, Zone, Prix Inter 2009 avait beaucoup fait parler de lui : une longue phrase de 500 pages, reproduisant le rythme du train Paris-Rome. Ce roman m'avait laissé une impression mitigée. Cette phrase unique, en particulier, si elle se justifiait bien sur le fond m'avait néanmoins semblé très artificielle, comme si l'auteur avait écrit son roman normalement avant de simplement supprimerles points, au lieu de faire un vrai travail grammatical de fond.
Et voilà que parait ce court roman, à la belle couverture bleutée, au doux papier et au titre si parfait : Parle-leur de batailles, de rois et d'éléphants. Directement inspiré d'une citation de Kipling, soit dit en passant. Le pitch : une fiction sur base historique, très bien documentée : la possibilité d'un voyage de Michel-Ange à Constantinople en 1506 en vue de la construction d'un pont sur la Corne d'Or commandé par le sultan Bajazet qui avait rejeté le projet soumis par Léonard de Vinci.
Si les premières lignes du livre émerveillent : « La nuit ne communique pas avec le jour. Elle y brûle. On la porte au bûcher à l'aube. Et avec elle ses gens, les buveurs, les poètes, les amants. » la suite est loin d'être aussi convaincante. Pas grand chose à redire pourtant : c'est plutôt bien écrit, très documenté, facile à lire (chapitres de deux pages). Mais ça ne prend pas, une fois de plus finalement. L'impression générale est décevante. On lit ça comme une histoire couchée sur les pages d'un livre sans parvenir un seul instant à l'imaginer, à la vivre, à se mettre à la place d'un Michel-Ange dont la psychologie décrite avec insistance paraît pourtant une dimension chère à l'auteur.