J’ai presque honte de le dire maintenant que j’ai refermé Pas dormir. Je voudrais l’écrire en tout petit pour ne pas susciter l’envie ou la rage de ceux qui tournent toute la nuit : je dors bien. Huit, neuf heures par nuit si possible, la plupart du temps sans interruption (sauf celles que m’imposent mes chats). Si bien que, à l’annonce de la sortie de ce nouveau Marie Darrieussecq, sorte d’essai autobiographique sur l’expérience de l’insomnie, je me suis dit un temps que ça risquait d’être trop exotique pour moi, trop distant. Évidemment, quelques semaines plus tard, je me suis finalement retrouvé incapable de résister à la promesse de deux ou trois heures en compagnie de Marie Darrieussecq, et grand bien m’en a pris.
Il serait vain de tenter de résumer un livre de ce genre, dont tout l’intérêt est le mouvement de la pensée et des associations d’idées, qui rebondissent d’anecdotes personnelles en citations toujours brillamment recontextualisées par Marie Darrieussecq, qu’il s’agisse de Kafka, Woolf, Duras, Levi, Perec, Cioran ou Conrad, tous convoqués pour mieux saisir ce que l’insomnie imprime au rapport intime à la réalité, et pour tenter de mettre le doigt, enfin, sur ce qui peut nous tenir éveillés malgré nous. C’est passionnant et ça se dévore quasiment d’un bloc, avec juste deux ou trois micro-pauses pour noter quelques références de titres à explorer plus tard.