¡ QUEREMOS VIVIR !
Je n'ai pas l'intention de répéter ce qui a pu être écrit et ré-écrit sur ce roman depuis qu'il a eu le prix Goncourt. Je tiens juste à préciser qu'une connaissance de l'espagnol permet de mieux...
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le 20 nov. 2014
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À partir de deux familles d'un village paysan en Espagne, et de quelques interventions de Georges Bernanos à Majorque, Lydie Salvayre raconte la guerre civile espagnole dans ce qu'elle a de plus magnifique et tragique : l'espoir exaltant de la révolution, la découverte d'un nouveau monde pour des jeunes paysans qui n'ont connu que leur misère de classe et qui entrevoient une autre vie, un autre futur, et les atrocités des exactions bénies par l'Église catholique.
Dans une langue unique, très enthousiasmante, le "fragnol", Montserrat, la mère de Lydie Salvayre raconte son été 1936, la sortie du village, la découverte de la révolution et de la vie qu'elle promet :
Jamais l'air ne lui a paru plus léger, les liens plus faciles. Et tout ce qu'elle vit, tous les événements minuscules qui font le tissu banal de la vie, l'eau chaude coulant du robinet, la boisson d'une bière fraîche à la terrasse d'un café, deviennent soudain autant de prodiges. [...] Montse a le sentiment de découvrir à quinze ans la vie qu'on lui avait cachée. Et elle s'y jette. Et elle s'y ébroue. Et c'est une joie pure.
Les personnages ne sont pas manichéens et ne représentent pas bêtement un des courants de la guerre : le communiste du PCE, le libertaire du POUM, le propriétaire bourgeois phalangiste, la dévote, la mère paysanne... Iels sont riches, complexes, on y croit tout le temps, on suit leurs dilemmes moraux, politiques et sociaux. Lydie Salvayre décrit l'Espagne rurale du début du siècle dernier, le poids de la fatalité sociale, la vie au village, un destin déterminé par le lieu et la famille où l'on naît. Elle montre aussi, et c'est salutaire, salvateur, de le rappeler, les crimes de l'Église catholique espagnole qui a adoubé et béni les massacres franquistes, leur "divine surprise" à eux.
Il est notoire que, quels que soient les crimes que les catholiques commettent contre les rouges à cette époque-là, à l'arme blanche, à l'arme à feu, à coups de matraques ou de barres de fer, ils sont instantanément blanchis et pardonnés, pour peu que leur auteur fasse acte de contrition avant la prière du soir, les petits arrangements avec le Ciel espagnol s'avérant proprement magiques.
On peut regretter que les passages de Bernanos soient parfois mal amenés, et la deuxième partie du livre sur la vie domestique de Montse m'a moins passionné, mais Pas Pleurer est un texte écrit dans une langue magnifique, un bel hommage au fragnol, ce parler des émigrés républicains (en tous cas pas phalangistes) en France, inventif, beau, musical. C'est aussi un hommage à la révolution dans sa complexité, dans ce qu'elle a pu ouvrir des gens au monde, sur le monde, les extraire de leur condition sociale le temps d'un été et pour le reste de leur vie.
Chaque soir, elles allaient s'asseoir à la terrasse des cafés où, depuis la révolution, l'on pouvait consommer gratuitement un verre d'eau sans être congédié et regarder la nuit descendre doucement sur les toits des immeubles.
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Créée
le 30 avr. 2021
Critique lue 51 fois
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