Parfois tu gardes tes romans dans ta PAL pendant des années, parce que t'as peur de t'attaquer à un monument, ou peur d'être déçu.e, ou que ce ne soit pas le bon moment pour en apprécier la lecture.
Personne ne gagne est entré dans ma pile à lire en Juillet 2017, parce qu'il était beau et que ce titre parlait directement à mon tempérament de pessimiste. Je l'ai regardé un bon paquet de fois, en me disant : "un jour...". Ces derniers mois, je sentais de plus en plus qu'il m'attirait, que c'était le bon moment.
J'ai donc passé une semaine en compagnie de Jack Black (peu importe son véritable nom). A l'aube de ses 17 ans, plus ou moins abandonné par son père, "Blacky" commence à travailler pour un escroc à la petite semaine. De rencontre en rencontre, il apprend les ficelles du métier auprès de camarades les plus ingénieux et loyaux : Smiler, Sanctimonious Kid, Georges, Salt Chunk Mary. Seul ou à plusieurs, il voyage de ville en ville, et arnaque, cambriole les maisons aux fenêtres laissées ouvertes, dynamite des coffres-forts, se planque dans des trains de marchandises, cache son butin dans des terrains vagues (avec lui, on découvre toutes les techniques de filou pour s'en tirer !), mais est également rattrapé plusieurs fois par la police et la justice.
Tu vois... moi c'est ce genre d'histoire qui résonne à mes oreilles. Plusieurs fois au cours de ma lecture, j'ai eu l'impression de déjà connaître ce récit, et pourtant promis, je ne l'avais jamais lu avant. Mais je ne serais pas surprise qu'on me l'ait raconté par épisodes quand j'étais gosse, parce que ces histoires de voleurs qui parcourent les Etats-Unis pour échapper à la police et préparer leurs prochains coups, bin... ça me parle.
C'est aussi tout ce que j'aime en littérature : quand ça mélange aventure, parcours de vie, personnages en marge et hors du système... et puis, aussi, il y a cette Amérique fantasmée, celle de la fin du XIXè-début XXè siècle, où tout était plus simple, quand tout se construisait dans une folle accélération et que des époques s'éteignaient déjà.
Oui, il y avait tout pour me plaire dans ce roman et quand je n'étais pas en train de lire ce livre, cette histoire passionnante m'appelait, j'y pensais, je désirais connaître la suite, j'ai même failli le prendre au boulot pour le lire en loucedé... et quand un livre fait cet effet-là, c'est ce qu'il y a de mieux au monde.
Personne ne gagne est donc une autobiographie, totalement immersive, dans laquelle l'auteur raconte à la fois ses aventures, sa plongée dans la drogue (l'opium), ses réflexions sur ce qu'il appelle son métier, mais aussi ses conclusions sur le système carcéral de l'époque. Lui qui a passé 15 ans derrière les barreaux d'une prison canadienne et des différentes institutions pénitentiaires californiennes, il sait reconnaître les raisons de ses récidives, tout comme le moment où il a su qu'il ne volerait plus. La conclusion est pleine d'une sagesse affinée par le temps, les expériences et les bonnes rencontres.
Et même si on n'a rien vécu de l'existence de l'auteur, finalement, c'est le récit de la condition humaine qu'on trouve ici, fait en toute simplicité et avec lucidité, racontant les réussites et les échecs et ce qu'il en a tiré. C'était authentique, juste et honnête, parfois surprenant, mais aussi plein d'humilité et de bienveillance envers ceux qui ont penché du côté malhonnête de la vie pour vivre au maximum leur liberté.
Pour m'avoir permis d'enfiler vos chaussures, M'sieur Jack Black, merci.