* Strophes extraites des deux Testaments (1456, 1461)
* Mille quatre cens cinquante six,
Je, François Villon, escollier,
Considérant, de sens rassis,
Le frain aux dens, franc au collier,
Qu'on doit ses œuvres conseiller,
Comme Vegèce le racompte,
Saige Romain, grant conseiller,
Ou autrement on se mescompte.
* A celle doncques que j'ay dict,
Qui si durement m'a chassé,
Que j'en suys de joye interdict
Et de tout plaisir déchassé,
Je laisse mon cœur enchassé,
Palle, piteux, mort et transy :
Elle m'a ce mal pourchassé,
Mais Dieu luy en face mercy !
* Je suys pecheur, je le sçay bien ;
Pourtant Dieu ne veult pas ma mort,
Mais convertisse et vive en bien ;
Mieulx tout autre que peché mord,
Soys vraye voulenté ou enhort,
Dieu voit, et sa misericorde,
Se conscience me remord,
Par sa grâce pardon m'accorde.
* Bien scays se jeusse estudié
Ou temps de ma jeunesse folle,
Et a bonnes meurs dedié,
J'eusse maison et couche molle !
Mais quoy ? je fuyoye l'escolle,
Comme faict le mauvays enfant...
En escrivant ceste parolle,
A peu que le cueur ne me fend.
* Où sont les gratieux gallans
Que je suyvoye au temps jadis,
Si bien chantans, si bien parlans,
Si plaisans en faictz et en dictz ?
Les aucuns sont mortz et roydiz
D'eulx n'est-il plus rien maintenant.
Respit ils ayent en paradis,
Et Dieu saulve le remenant !