Pour la première fois, Tonino Benacquista baisse la garde et troque la fiction pour un récit très personnel qui commence par un aveu sidérant : jamais il n'a vu son père à jeun. L'enfance a une importance capitale dans cette biographie impressionniste et volontairement incomplète mais aussi les racines, cette Italie d'où viennent ses parents et où ses frères et sœurs sont nés, mais pas lui, enfant tardif qui a vu le jour à Choisy-le-Roi en 1961, 7 ans après l'installation de sa famille lors du fameux et glacial hiver 1954. Sous la plume de l'auteur et sans souci de linéarité, les portraits du père, alcoolique, et de la mère, dépressive, côtoient les souvenirs d'enfance et d'adolescence de Tonino, rétif à la lecture, à quelques exceptions près, et pourtant attiré par l'écriture. Porca Miseria est un livre attachant et sincère, souvent drôle et pittoresque, même pour décrire l'absence de communication entre un fils et ses parents, une quête d'identité ou, plus tard, à l'âge adulte, une violente agoraphobie. L'auteur de Saga et de Malavita raconte beaucoup sur lui et ses proches en peu de pages, dans un désordre qui n'est qu'apparent et qui dit l'essentiel de sa construction en tant qu'écrivain et de ses failles comme être humain. Et puis, dans les dernières pages, Benacquista ne peut s'empêcher d'imaginer d'autres destins à sa famille, plus lumineux, comme si la fiction, finalement, reprenait la main sur la réalité. Un livre à conseiller à tous ceux qui aiment l'auteur depuis longtemps et même aux autres, pour savoir comment ce fils d'immigrés a finalement fait de la France et de l'écriture ses deux patries.