Le premier Modiano que je lis. Dans les toutes premières pages, une enquête s'annonce, le récit me tiens et j'attends la suite. Puis, très vite, arrive l'ennui quand je me rends compte que les protagonistes qui ont lancé l'enquête n'existent pas, ou seulement dans l'imaginaire du personnage principal. Alors, je me demande où Modiano veut m'emmener... pourquoi il me raconte tout cela ? Je m'en fiche, je veux juste savoir le fin mot de l'histoire !
Puis je comprends qu'il le fait exprès, il veut dompter la bête qui est en moi, en nous, qui ne réclame que du du mouvement, surtout du mouvement... de l'action... toujours avancer... pour vaincre l'ennui... !! Modiano propose le contraire, l'inertie ponctuée d'infimes variations. Il veut que son lecteur se perde afin d'obliger celui-ci à sortir des sentiers battus de la littérature qu'il connait et, afin de l'amener à sa propre réflexion et rétrospection. Il nous emmène sur un chemin trouble et inhabituel tout en semant, l'air de rien, des indices, qui permettront à chaque lecteur de reconstituer son propre puzzle.
Je me prends au jeu et finis par m'habituer à cette ambiance modianesque qui me fait beaucoup penser au cinéma d'Andreï Tarkovski. Je comprends que cette atmosphère doit définir l'oeuvre tout entière de Modiano. Son objectif n'est pas de livrer sur un plateau une histoire cousue de fil blanc. Il ne va pas chercher le lecteur par la main, non c'est au lecteur de venir à lui ou d'abandonner, peu importe la lecture de son oeuvre se mérite ! Le factuel ne l'intéresse pas, mais plutôt les sensations, les entre deux, les impressions fugaces. Il faut lire Modiano telle une oeuvre d'art qu'on contemple. Je qualifierais son style d'impressionnisme littéraire.
Après, on aime ou on n'aime pas, à chacun de nous d'y trouver son compte ou pas... Personnellement, ce qui m'a gênée, c'est cette indifférence ressentie pour les personnages, je n'ai éprouvé aucune empathie. Or, c'est un point qui compte particulièrement pour moi, même si, encore une fois, l'objet de Modiano n'est pas là. Une prochaine lecture d'un autre de ses romans me donnera certainement un avis plus précis.
Malgré tout, en s'accrochant à sa lecture, on remonte le fil conducteur jusqu'à l'essentiel, le moment charnière de la vie du personnage principal, qui peut raisonner en chacun de nous : un enfant seul dans une maison qu'il ne connait pas et avec une valise qu'il n'a pas eu le temps d'ouvrir...