Roman qu'Ernest Hemingway a publié en 1940, peu après les évènements relatés qui correspondent aux manoeuvres préparatoires de l'offensive républicaine dite "de Ségovie" en 1937.
Un jeune universitaire américain, professeur d'espagnol et passionné par ce peuple, enrôlé dans "les brigades internationales", se voit confier une mission de destruction d'un pont situé derrière les lignes du front et rejoint une bande de maquisards (ou de guerilleros). Le but est d'interdire tout repli aux troupes nationalistes une fois l'offensive déclenchée.
En tout et pour tout, l'action du livre se déroule sur un laps de temps de 3 jours.
Il y a deux aspects dans le livre :
D'abord le roman est le témoignage cru, sans concession, de la guerre civile fratricide entre républicains et franquistes dans une Espagne irrémédiablement divisée où les horreurs d'un camp n'excusent ni ne justifient les horreurs de l'autre camp. On sent d'ailleurs à la lecture, le profond écœurement des gens qui savent que rien ne pourra être comme avant, quelque soit le camp qui l'emportera.
Le roman ne se veut pas être un livre d'Histoire mais un témoignage de la vie des gens à un moment de la guerre civile. L'action se déroule en 1937 c'est-à-dire à peu près au milieu du conflit à partir du moment où les carottes commencent à être cuites pour le camp républicain.
Hemingway ne prend pas partie pour un camp ou l'autre mais se focalise sur le camp républicain et donne quelques clés sur la possible issue. En particulier, l'hétérogénéité du camp républicain où il y a des loyalistes (républicains modérés) mais aussi toutes les nuances de la gauche et de l'extrême gauche qui ne s'entendent pas et qui vont contribuer à précipiter le camp républicain vers sa chute.
S'ajoute des enjeux qui dépassent largement le cadre espagnol. Les nazis soutiennent le camp franquiste au moins par l'approvisionnement en matériel de guerre performant, des avions en particulier.
Les communistes appuyés par l'Union Soviétique soutiennent à travers les brigades internationales le camp républicain mais sans les mêmes moyens et de façon hétéroclite. On sent bien une volonté de prise en main qui ne dit pas son nom où finalement ces résistants dansent sur une musique qu'ils n'ont pas forcément écrite. Un des rares personnages historique évoqué dans le roman est un communiste français André Massart qui en fait serait le sulfureux André Marty qui était un pur stalinien. Dans le roman, son rôle est plus que glauque.
Le personnage principal Roberto Jordan, "l'inglés", chargé de la mission, homme de devoir et de conviction, se refuse à entrer dans ces calculs politiciens et parvient à se faire admettre par ces résistants qui sont désormais remplis de découragement et je dirais aussi, d'espoir mélangé à de la culpabilité.
Par exemple, le personnage de Pablo qui est le chef local est hostile au départ à la mission de Robert Jordan car il sent bien que cette mission est à hauts risques pour son groupe de résistants. Il boit énormément pour oublier, peut-être, les exactions qu'il a commises dans certains villages sur les franquistes qui ressemblaient plutôt à des règlements de compte personnels. Il va tenter de trahir puis cherchera à s'amender.
Il y a Pilar, la maîtresse femme, l'épouse de Pablo, qui a beaucoup vécu, qui a été témoin de ce qui a détruit son mari, qui reste farouchement républicaine. Les calculs politiques, ce n'est pas son truc et elle garde la tête froide. C'est elle qui par défaut mène le groupe.
Il y a tout le reste de la troupe Anselmo, le vieux, le Gitan, l'anarchiste sans foi ni loi, un autre ancien toréador, etc ... tous honnêtes, convaincus mais finalement désorientés.
Et puis il y a Maria qui est une jeune femme qui a été torturée, violée, tondue par les nationalistes parce que son père était républicain. Elle a été récupérée par Pilar lors de l'attaque d'un train où elle était prisonnière. Et on arrive au deuxième aspect, très romantique et très émouvant, du roman où Maria rencontre Robert Jordan et sous la houlette de Pilar, vont vivre une passion amoureuse magnifique pendant les trois jours.
"Pour qui sonne le glas" est un roman dans lequel Hemingway a su éviter le manichéisme où les uns sont des héros et les autres des salauds. Dans la scène où Robert tue un jeune officier fasciste à cheval, il trouve une lettre, parmi ses papiers, de sa jeune fiancée qui est terrorisée à l'idée des dangers qu'il court. Il montre ainsi que tous les combattants connaissent les mêmes sentiments et les mêmes terreurs quelque soit leur camp.
La grande leçon à tirer de cette aventure, c'est Agustin, un des maquisards, qui la dit devant Roberto, mourant, avec :
"Qué puta es la guerra".