Purge
7.2
Purge

livre de Sofi Oksanen (2008)

Ma sœur me tannait à propos de Purge depuis dès mois. Je me suis finalement lancée il y a peu.
Effectivement, dès le début, j’accroche : le style est agréable et fluide, poétique par moments. De jolis passages et de belles formules retiennent le lecteur et romancent l’Histoire. Parce qu’ l’Histoire, la grande avec un grand « H » et l’histoire, la petite, celle de deux personnages, se mélangent, s’entremêlent, se complètent et dépendent l’une de l’autre dans ce roman. Le présent n’a jamais été aussi proche du passé.

« Alors que cette fille, avec sa jeune crasse, était ancrée dans le présent, ses phrases rigides sortaient d’un monde de papiers jaunis et d’albums mités remplis de photos. »

L’époque de la narration est en 1992, et de nombreux passages de 1940 jusqu’à 1992 viennent couper le récit pour le compléter et l’éclairer. Le suspens s’installe au fur et à mesure des pages.
Alors qu’Aliide, vivant en Estonie accueille une Russe apparemment inconnue, le lecteur croit dans les premières pages que la relation entre ces deux femmes naît du hasard et est totalement fortuite. Que nenni, Zara, la Russe, est en réalité de la même famille qu’Aliide, et savait où elle allait en atterrissant « par hasard » dans la ferme d’Aliide, mais je n’en dis pas plus…

L’écriture est donc très agréable à lire, les passages poétiques étonnent dans ce roman grisâtre et jaunâtre, où on croirait toute beauté impossible.

Le roman a une teinte innocente, ou les deux personnages principaux, Aliide et Zara, ne sont pas vraiment présentés ; Zara reste longtemps « la fille », aux yeux d’Aliide. On n’entre que très peu dans leur intimité, le lecteur est souvent laissé au rang de simple spectateur. Devant lui se trame le récit de la vie d’une famille –la leur–, tandis que l’Histoire de l’Estonie et du Communisme est en marche.
C’est aussi une atmosphère mortifère, triste et funeste qui traîne dans tout le livre ; la mort n’est pas loin, guette à chaque coin de table, derrière chaque porte, dans chaque mot et dans chaque parole.

« Mais l’estonien de la fille était d’une autre teinte, plus ancien, piqué et jauni. Il avait même, curieusement, des relents de mort. »

Bref, j’ai beaucoup aimé la plupart du livre, mais « je n’ai pas aimé la fin ». Les dernières pages du livre m’ont beaucoup déçues : elles nous laissent sur notre fin, et l’on se demande ce qu’il s’est passé, ce qu’il va se passer. On aurait aimé savoir ce qu’il advient d’Aliide, de Zara, le pourquoi du comment et les explications. Parce que l’histoire et le lien entre Aliide et Zara est remarquablement bien mis en œuvre et installé, et l’on a de la peine à abandonner les deux femmes ainsi. L’intrigue est très bien mise en œuvre, et suscite réellement l’intérêt du lecteur ; nous laisser ainsi, sans piste, sans indice, sans élément qui puisse suggérer la fin de l’histoire, c’est presque barbare.

J’aime les non dits et les formules qui suggèrent, que la solution ne soit pas inscrite noir sur blanc, décrypter un message et avoir la sensation d’avoir la liberté d’interpréter l’histoire comme je l’ai comprise, mais là il y a trop de non dits, et je me suis trouvée incapable de tracer la ligne entre les points puisqu’il n’y avait même pas de points. C’est dommage.

La fin étrange, nous laissant sur des rapports et des documents « officiels » communistes, politiques est décevante. Alors qu’on était entré dans une histoire privée, intime, que l’on se sentait proche des personnages et surtout de leur relation, on nous laisse avec des documents officiels et politiques, impersonnels, froids et distants. On perd tout le côté intime du livre, j’aurais préféré que ces documents soient disséminés dans tout le livre, comme les épisodes du passé. Mis à la fin du roman, on a l’impression que l’auteure s’est dit « mince, j’ai oublié de les mettre… tant pis, ils iront bien à la fin ».
J’aurais aimé terminer avec Aliide et Zara, en savoir plus sur leur histoire, sur la suite, terminer avec une note plus intime et personnelle. Tant pis pour moi.

Un goût de trop peu, d’inachevé, de bâclé. Irritant après une histoire aussi prenante et aussi bien écrite.
ulostcontrol
8
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Créée

le 8 sept. 2013

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ulostcontrol

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