Quo Vadis... roman des temps néroniens... Imaginez une superproduction hollywoodienne... quand elle est réussie, il y a rien de plus captivant à regarder même si on est conscient des limites et des défauts du machin. Un budget de gros malade pour des décors et des costumes qui en mettent plein les yeux, deux ou trois séquences vraiment spectaculaires, un méchant très méchant, aussi charismatique que terrifiant, des gentils fadasses avec belle histoire d'amour à la clé, un peu niaise, heureusement, largement, compensé par un personnage sympathique et encore plus charismatique que le méchant, un message moral un peu lourd... Vous avez juste à remplacer le cinéma par la littérature...
On voyait cela plus venir d'un Américain (ben oui, Hollywood, américain... !), mais non surprise c'est un futur Prix Nobel polonais qui l'a fait... Henryk Sienkiewicz...
Le gros budget laisse place à des descriptions riches des fastes de l'Empire romain, les deux ou trois séquences spectaculaires, ce sont l'Incendie de Rome, qui n'épargne aucun de ses ravages, et le Martyr des chrétiens dont l'extrême cruauté de ce qu'ils subissent n'est négligé par aucun détail, deux longues hypotyposes qui prennent par les tripes le lecteur, le méchant très méchant c'est Néron, façon suétonienne, aucune circonstance atténuante pour lui, juste la légende du bouffon psychopathe obsédé par la création artistique et son propre orgueil démesuré, les deux gentils Marcus et Lygie trop peu approfondis psychologiquement et trop cruches pour vraiment intéresser, pareil pour toute la somme des chrétiens, excepté peut-être Pierre, solennel et juste et avec ses doutes et désespoirs, ce qui rend impossible qu'on ne s'y attache pas, et puis il y a Pétrone, épicurien, stoïque, lucide, cynique mais capable de compassion sincère, amoureux de la Beauté, l'homme qu'on aurait bien voulu connaître ; l'auteur, conscient certainement des grosses limites de son couple d'amoureux, a compensé avec lui, et il a parfaitement atteint son objectif... Pour finir, en ce qui concerne le message moral un peu lourd, du prosélytisme chrétien un peu énervant des fois...
Mais comme devant toute bonne superproduction réussie, on se laisse emporter par le souffle et on ne ferme le livre qu'à regret.