Plutôt que d’avancer masqué avec ce "Rabalaïre", mot occitan nimbé de mystères et dont l’explication dans le roman (qui définit le personnage principal dans son rapport à un lieu) tient en deux lignes, Alain Guiraudie aurait dû y aller franchement et utiliser le titre de l’avant-dernier de ses films, tant la verticalité du phallus (et le rôle détourné de sa semence) y prennent une place prépondérante. Point de volonté ici de donner dans l’étalage exhaustif des pratiques possibles, le personnage principal est un homosexuel "de base", sociologiquement issu de la classe moyenne, adepte de cyclisme (on ne ricane pas), qui aspire à jouir de tout ce qui bouge (enfin quand il le peut), et plutôt de façon classique, donc. Un gentil érotomane quoi. Ses virées lui permettent d’arpenter un territoire et de donner un cadre géographique au roman, jusqu’au coup de foudre pour "un pays" qui, une fois découvert, sera le théâtre principal de l’intrigue. Cette succession de scènes sexuelles mêlée aux histoires d’un quotidien lui-même livré à la pure fantaisie (il n’y a pas un personnage qui n’apporte son lot d’énigmes, d’originalité, de drôlerie pince-sans rire) finit quand même par gentiment tourner à vide. Heureusement le roman développe en parallèle d’autres thèmes, mais ce avec plus ou moins de bonheur ; le roman naturaliste, sociétal, d’actualité, policier, romantique, fantastique pour finir par une métempsychose mystique, pirouette de haute voltige qui clôt abruptement cette masse de plus de mille pages. Les pensées ou les réflexions sur l’état du monde sont dans l’air du temps, un peu de nihilisme, d’individualisme… On frôle souvent le lieu commun… mais ce sont celles du personnage ! Tout cela narré est sur un ton plutôt primesautier, presque humoristique parfois, pas spécialement très bien écrit, souvent transcrit de la langue orale (j’y dis, j’y fais), mais Guiraudie a le talent de tricoter des petits suspenses, des micro- attentes et de rendre ses personnages infiniment attachants.