Avant de lire ce livre, j'avais vu un film ou un téléfilm à la télé, un après-midi, chez mes grands-parents quand j'avais une douzaine d'années. Le souvenir est très précis car j'avais été bouleversé par l'histoire, au grand dam de ma grand-mère qui ne savait plus quoi faire. Malheureusement, je n'ai aucune idée de qui était le film. Si je crois Wiki, il y a 3 possibilités dont un film muet. Ce n'était pas le film muet.
Plus tard, à l'adolescence, j'ai lu Ramuntcho de Pierre Loti à la même période que Pêcheur d'Islande. Mais là, je n'ai pas été bouleversé puisque je connaissais l'histoire mais plutôt révolté …
Ramuntcho fait partie des romans exotiques de Loti qui se plaisait à écrire une histoire dans des lieux de villégiature ou de voyage. Plusieurs romans prennent ainsi cadre au Japon, en Bretagne et "Ramuntcho" au pays basque. L'exotisme du pays basque est ici dû à cette langue si particulière et si incompréhensible, à ces hommes qui font de la contrebande, la nuit, avec l'Espagne. Et, le jour, quand les hommes ne font pas de contrebande, ils jouent à la pelote, ce fameux sport tout aussi particulier sans oublier, bien entendu, les bals au son du fandango …
C'est à l'occasion d'une affectation militaire à Hendaye que Loti rencontre une femme, Crucita, qui devient sa maîtresse. Un de ses fils va justement s'appeler Raymond, "Ramuntcho" en basque.
Et voilà, le roman peut démarrer avec toute la panoplie. Ramuntcho est un jeune homme intrépide, beau et fort, qui coche les bonnes cases : il est contrebandier, il est un pelotari talentueux, il est un bon danseur et il est tendrement amoureux d'une jeune fille "Gracieuse", pure et mystique. Mystique parce qu'elle se sent écartelée entre une vie au couvent entre chants et contemplation divine et une vie plus aventureuse, plus sensuelle, plus excitante avec son amoureux.
Tout irait pour le mieux s'il n'y avait pas une haine farouche entre les mères de Raymond et de Gracieuse. Et Dolorès, la mère de Gracieuse, profitera de la longue période du service militaire de Ramuntcho pour reprendre la main sur sa fille et la faire définitivement enfermer dans un monastère.
Le roman laisse la place à de belles descriptions du pays basque, des Pyrénées à la Bidassoa, à chacune des saisons. Loti y exprime une certaine fascination pour ce pays secret pétri de religiosité, de tabous et de traditions que personne, y compris les contrebandiers les plus hardis, n'ose transgresser. Mais je note quand même un certain scepticisme de Loti sur cette emprise de la religion capable de laisser enfermer des jeunes femmes, peut-être pas contre leur gré mais en forçant leur consentement, sur une simple volonté familiale.
Si, à 12 ans, j'avais été bouleversé par cette injustice qui se dressait entre deux jeunes gens amoureux, plus tard, c'est bien un sentiment de révolte qui m'animait à propos de ce type de sacrifice qui consiste à mettre sa vie entre parenthèses, volontairement ou pas.
Un beau roman plein d'une tendre sensualité et d'une indicible mélancolie, bien propres à Pierre Loti.