Réel désir ou simple superficialité ?

En général, quand un auteur remercie René Girard pour son apport indirect, le livre ne peut pas être mauvais. Et c’est le cas de Réelle de Guillaume Sire ! Ce roman raconte le désenchantement de Johanna, une jeune fille normale qui rêve de célébrité et d’amour. Et surtout, de ressembler à son idole : Ophélie Winter. Johanna est une jeune fille en retrait : elle n’ose pas vraiment aller vers les garçons, encore moins flirter avec, elle n’a pas des très bonnes notes… Enviée, choisie, désirée : Johanna veut être aimée. La jeune fille ne croit plus aux contes de fées, et pourtant… Pourtant elle en est persuadée : le destin dans son cas n'a pas dit son dernier mot. Elle est convaincue que lorsqu’elle sera célèbre, elle comptera enfin pour les gens ! Avec son amie Jennifer, elle s’inscrit au casting de Graines de star, des rêves de paillettes plein la tête. Si Johanna a été sélectionnée pour les auditions, ce n’est pas pour autant qu’elle intégrera l’émission. Une désillusion qui s’additionne aux autres pour elle. Il s’agit désormais de trouver un travail, mais les dizaines et les dizaines de CV envoyés restent sans réponse. Elle ne trouvera jamais sa place dans cette société. Puis par miracle, elle décroche un CDD de 3 mois dans un supermarché. Qui sera prolongé de la même durée. Elle ose espérer un CDI à la fin… Mais le couperet tombe encore une fois : ce ne sera pas elle. Un ami lui parle que le McDonald’s embauche, pas loin. Verser la sauce sur les hamburgers ce n’est pas très glamour, mais l’argent c’est sacré comme lui a assez répété sa mamie. Alors en cinq minutes elle se retrouve embauchée, répétant aux copains que c’est temporaire. Depuis plusieurs jours, un numéro masqué essaie de la joindre. Elle ne décroche pas. Puis un jour, sans trop réfléchir, elle répond. L’impensable : on lui propose d’intégrer une émission un peu spéciale ; la première émission de téléréalité en France. La journée n’a pas le temps de disparaître qu’elle a déjà démission du McDonald’s pour embrasser sa carrière de star en herbe. C’est le début d’une étrange histoire d’aventure et d’amour que Johanna va vivre. Va-t-elle enfin être quelqu’un ?

Le roman de Guillaume Sire aborde un sujet délicat : celui du monde de la célébrité éphémère, des stars d’un jour et des rêves sans but. Bon nombre d’auteurs s’y sont cassé les dents, n’arrivant pas à passer l’écueil de la surabondance des clichés. Mais où Guillaume Sire est très malin, c’est qu’il ne verse pas son héroïne trop tôt dans ce monde, il lui donne le temps de prendre de l’épaisseur et de se montrer au lecteur, dans toute sa naïveté. La première partie est entièrement consacrée au quotidien sans relief de Johanna, qui se voit être mise aux portes du monde. C’est seulement au cœur de la seconde partie, dédiée à la vie dans le loft, que l’auteur pose les problématiques inhérentes à la célébrité made in Big Brother : superficialité, désir de gloire inassouvi, importance de l’image… Et la seconde réussite de Guillaume Sire est qu’il ne livre pas un réquisitoire contre ce monde-là en étant vindicatif et démonstratif. Il se contente de faire évoluer son héroïne dans le jeu et l’utilise comme mécanisme romanesque pour montrer certaines facettes pernicieuses de cette culture de l’image. Le fait qu’il replace son intrigue dans les années 2000 et la naissance du phénomène de la télé-réalité aide aussi, c’est certain. L’écriture simple, mais non pas simpliste de Guillaume Sire guide très bien le récit et le fait avancer par secousses, par impulsions, puisque ce sont souvent des faits externes qui débloquent les personnages ou les situations. C’est le principal reproche que l’on peut cependant faire à ce texte : en voulant éviter le danger de trop gloser sur la télé-réalité, les chapitres mériteraient parfois à être plus développés, car on sent l’aisance du romancier derrière, qui se retient. N’excédant que rarement les trois ou quatre pages, ils mettent en place des questions ou des points de vue intéressants, mais qui se retrouvent un peu court-circuités.

Réelle est l’un des romans les plus réussis sur ce sujet épineux, car il tend vers la simplicité. C’est une lecture agréable, d’une ou deux journées, qui ne se contente pas de partir en guerre contre la culture de la télé-réalité : elle nous montre ce qui meut les gens à vouloir devenir quelqu’un à tout prix.

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